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Manifestation à Saïx dans le Tarn (81), contre le projet de construction de l’autoroute A69, le 22 avril 2023. © Laurent Dard/La Dépêche du Midi/Maxppp

Politique

A69 : la joie du collectif

Octave Larmagnac-Matheron publié le 25 avril 2023 3 min

8 000 personnes ont défilé ce week-end contre le projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, à l’appel des collectifs et associations la Voie est libre, les Soulèvements de la Terre, Extinction Rébellion Toulouse et de la Confédération paysanne. Si la colère était, bien sûr, de la partie, elle coexistait avec une forme d’enthousiasme, et même de joie. Explications avec Spinoza.


 

Cours improvisée de « bolides » de fortune, construction d’un mur de parpaings barrant l’autoroute, jets de peaux de banane… En comparaison des images angoissantes de la répression policière à Sainte-Soline, l’occupation de l’autoroute A69 par des mouvements écologistes suscite, à côté de la colère évidente des manifestants, une impression indéniable de liesse.

Rien d’étonnant, répondrait certainement Spinoza. En effet, pour le philosophe hollandais, la joie est une « passion par laquelle l’âme passe à une perfection plus grande » : elle jaillit de tout ce qui augmente notre « puissance d’agir ». Or, précisément : l’action collective, dans laquelle la multitude œuvre d’un même mouvement, dans un même horizon, rend possible, pour Spinoza, une augmentation considérable de la puissance d’agir individuelle.

“Si, par exemple, deux individus entièrement de même nature se joignent l’un à l’autre, ils composent un individu deux fois plus puissant que chacun séparément. Rien donc de plus utile à l’homme que l’homme”

Baruch Spinoza, Éthique (1677)

C’est de cette augmentation joyeuse de la puissance d’agir que les manifestants de ce week-end ont fait l’expérience, à même leur démarche d’occupation, dans la rencontre concrète des corps devenus capables de ce qui leur était impossible auparavant.

Cette prise de conscience euphorique, par la multitude, de sa puissance collective fait cependant des inquiets. Le pouvoir politique en particulier, qui se méfie de cet autre pouvoir faisant irruption en concurrençant son monopole souverain. Il s’en méfie d’autant plus que la gaieté, contagieuse, risque de rallier à elle des foules toujours plus nombreuses. Tout le travail du pouvoir pour asseoir son autorité consiste dès lors à restreindre au maximum ces possibilités de formations communes, du moins à contenir le développement d’affects joyeux en leur sein, en leur insufflant des affects négatifs – la peur de la répression, la colère ou la résignation de l’impuissance. Pour le philosophe Juan Manuel Aragüés, l’État actuel est passé maître dans cette volonté de contrôle des formations collectives. Dans son article « Désir de multitude » (2021), il écrit :

“Le néolibéralisme, tout en s’efforçant de construire un sujet fortement individuel et doté de traits distinctifs très marqués, se fait également un devoir de rendre impossible la construction de sujets collectifs. […] Si le néolibéralisme entend réaliser la fiction libérale du sujet isolé et dépourvu de tout lien, c’est bien parce qu’une telle fiction lui permet de court-circuiter l’action politique antagoniste”

Juan Manuel Aragüés, « Désir de multitude », 2021

De ce point de vue, la joie qui naît de l’action collective est toujours subversive. L’affect euphorique, par lequel un groupe prend conscience de ses forces additionnées, est en même temps un défi lancé à ce qui, dans la vie ordinaire, tend à restreindre l’épanouissement de celles-ci. L’augmentation de ma puissance d’agir m’incite à augmenter toujours davantage cette même puissance. Elle crée un élan, qui conduit irrésistiblement à la lutte pour desserrer l’étau répressif du pouvoir politique, de cet autre corps qui est celui de l’État. Cette lutte est joyeuse, dans le sens où elle permet au collectif d’éprouver ses forces dans l’action, de faire l’expérience de possibilités unies dans leur effectivité. Elle s’expose néanmoins à la négativité des représailles par les forces de l’ordre et au risque d’être vaincue. Risque qui, sans doute, redouble la joie des réussites improbables, où s’attestent des potentiels insoupçonnés. Sur l’A69, le pouvoir a, pour l’instant, fait le choix de laisser se déployer cet élan commun, plutôt que de le briser à grand renfort d’encadrement policier. Reste à voir comment il réagira si le mouvement se prolonge : par une répression intransigeante, comme à Sainte-Soline, ou en prenant en compte, d’une manière ou d’une autre, les revendications des manifestants ?

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