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Chantal Mouffe en 2018. © Édouard Caupeil pour PM

Entretien

Chantal Mouffe : “La crise écologique est l’occasion d’une radicalisation de la démocratie”

Chantal Mouffe, propos recueillis par Nicolas Gastineau publié le 14 mars 2023 10 min

La philosophe politique Chantal Mouffe, notamment co-autrice d’Hégémonie et stratégie socialiste (avec Ernesto Laclau, initialement paru en anglais en 1985), a joué le rôle de théoricienne et de source d’inspiration pour la gauche radicale, du mouvement Podemos à la France insoumise. Dans son dernier ouvrage, La Révolution démocratique verte (Albin Michel, 2023), elle constate que la question écologique est encore vue comme un problème trop rationaliste et doit, pour mobiliser les masses, rencontrer des affects.

 

Dans la continuité de vos précédents travaux, vous revenez sur l’idée que la gauche a fait l’erreur historique de se priver des affects.

Chantal Mouffe : Je m’intéresse depuis mes premiers livres au rôle des passions en politique. Par passion, j’entends les affects communs (et je les distingue ainsi des émotions, qui sont très à la mode en ce moment). Ma question est : comment est-ce qu’on peut créer, à partir de ces affects communs, une volonté politique ? Et surtout, pourquoi le populisme de droite y arrive mieux que la gauche ? Les gens de gauche me répondront que c’est justement parce qu’il flatte les passions, les bas instincts, tandis que nous n’utilisons que la rationalité et les arguments. J’ai essayé de remonter aux origines de ce refus de la gauche de mobiliser des passions ; cela m’a conduit aux travaux de Hans Blumenberg et notamment son livre La Légitimité des temps modernes (1966). Il explique que pendant les Lumières, il y a eu une articulation contingente entre un mouvement d’auto-affirmation (la démocratie) et un mouvement d’auto-fondation (le rationalisme). Sauf qu’il a été ensuite établi que ce rapport était nécessaire, que la défense de la démocratie et de son idéal exigeait qu’on ait une perspective rationaliste. Mais on peut parfaitement défendre la démocratie d’une manière qui ne soit pas strictement rationaliste. C’est même vital, car la question des affects est trop importante pour être laissée à la droite. Je pense comme Spinoza que « les idées n’ont que de force que de ce qu’elles rencontrent des affects ». C’est bien d’avoir un beau programme ; encore faut-il que les gens le désirent, qu’ils agissent dans sa direction. Et pour ce faire, il faut que cela résonne avec leurs affects.

“Le populisme de droite arrive mieux que la gauche à créer une volonté politique à partir des affects. […] Mais la question des affects est trop importante pour être laissée à la droite” Chantal Mouffe

 

N’est-ce pas une arme dangereuse que de susciter les passions politiques ? On se prive certes d’une énergie émancipatoire, mais n’évite-t-on pas aussi de réveiller des monstres comme on en a connu au siècle dernier ?

Bien sûr qu’il y a des risques, car les affects peuvent être mobilisés en tous sens. Je crois, et c’est là le lien entre mon travail et la psychanalyse, que les affects sont malléables. Les affects peuvent être construits d’une façon positive ou négative, mais ils ne le sont jamais par essence. Analysant les élections en Grande-Bretagne en 2019, on avait d’un côté Boris Johnson, sans programme sérieux mais avec un mot d’ordre : « Take back control » (« Reprenez le contrôle »). C’était un slogan efficace parce qu’il avait la capacité, comme on dit en anglais, d’empower les gens [de leur donner (la sensation d’avoir) du pouvoir]. En fait, la gauche aurait parfaitement pu s’approprier ce slogan, capter l’affect que faisait vibrer la possibilité de reprendre le contrôle sur notre politique, mais à condition de dire « take back control » à sa façon, non contre l’Union européenne mais contre les multinationales et les grandes forces capitalistes. Si l’on ne s’engage pas pour tenter de canaliser ces affects vers la justice sociale et l’émancipation, on les abandonne à la droite.

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