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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) stux / Pixabay

Dans la tête de Vladimir Poutine

Michel Eltchaninoff publié le 21 mai 2014 19 min

Et si la philosophie russe nous aidait à comprendre la stratégie de Vladimir Poutine ? Cette idée n’a rien d’absurde, tant les prophètes du conservatisme, de « la voie russe » et de « l’empire eurasiatique » ont le vent en poupe au Kremlin.

 

Cette enquête, Michel Eltchaninoff l'a développée et prolongée dans un ouvrage paru chez Actes Sud Editions/Solin également intitulé Dans la tête de Vladimir Poutine.
 

En janvier dernier, les gouverneurs des régions, les grands serviteurs de l’État et les cadres du parti Russie unie au pouvoir ont reçu, de la part de l’administration présidentielle, un singulier cadeau de nouvel an : des ouvrages de philosophie – Nos missions d’Ivan Ilyine, De l’inégalité de Nicolas Berdiaev ou encore La Justification du bien de Vladimir Soloviev, penseurs du XIXe et du XXe siècle. On adorerait qu’un nouveau Gogol décrive ces imposants personnages, habitués aux restaurants hors de prix et aux belles voitures, peinant sur la lecture de pages emplies de spéculations sibyllines. Or le président a lui-même plusieurs fois cité ces auteurs dans ses discours. Il faut bien se mettre à la page ! Poutine philosophe ? N’exagérons rien. Mais avec les grandes manœuvres russes en Ukraine et dans toute la zone ex-soviétique, une doctrine, que l’on devinait confusément depuis quelques années sans la formuler, se dévoile désormais de plus en plus clairement. Tout comme le personnage du président, impénétrable et imprévisible, elle est complexe et comprend plusieurs étages. Mais après avoir relu nos classiques et interrogé plusieurs commentateurs avisés en « kremlidéologie », nous avons compris que la pensée de Vladimir Vladimirovitch s’étageait sur trois plans : une doctrine archéo-conservatrice à usage interne, une théorie de « la voie russe » héritée des slavophiles, enfin, un projet d’avenir eurasien. Et cette triple doctrine promet au reste du monde un avenir plutôt agité.

 

Soviétique ou libéral ?

Ce n’est pas l’amour de la sagesse qui semble avoir guidé le jeune Poutine. Il est né en 1952 à Leningrad, cité traumatisée par un blocus de presque deux ans et demi, et ses figures de référence sont les voyous et les espions. Élève médiocre et bagarreur, il admire la figure de l’agent secret – que la propagande tâche alors de rendre sympathique pour faire oublier les horreurs staliniennes. À l’âge de 16 ans, raconte-t-il, il se rend au siège du KGB pour se faire embaucher. Mais on le renvoie à ses études pour l’engager plus tard. Le fond de sauce poutinien est donc l’idéologie soviétique. Elle n’a plus grand-chose de marxiste en cette période de « détente ». Cependant, elle laisse des marques indélébiles et s’exprime par un attachement viscéral à l’Empire soviétique ou à sa police politique. Comme nous l’explique le journaliste et commentateur Alexandre Morozov, rédacteur en chef du quotidien en ligne Russki Journal, « ce schéma cognitif du soviétisme tardif est manifeste dans sa manière d’envisager l’Occident, de mépriser les organisations internationales, d’avoir une attitude méprisante à l’endroit des “petits peuples” voisins de la Russie ». On connaît la formule poutinienne de 2005 suivant laquelle la « désintégration de l’URSS [a été] la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Lors de son discours du 18 mars 2014, durant lequel il célèbre l’annexion de la Crimée, Poutine persiste : « Ce qui semblait impensable, malheureusement, est devenu réel. L’URSS s’est désintégrée. » Aujourd’hui, lui et son entourage commencent à remettre en cause la légalité de l’acte de désagrégation de l’Empire, fin 1991. Poutine, qui aime se décrire comme un teigneux ne lâchant jamais sa proie, a bien l’intention de réparer cet affront à l’histoire et à ses idéaux de jeunesse.

À cette base foncièrement soviétophile, Vladimir Poutine a ajouté une pincée de libéralisme, au moins en apparence. Il est originaire de la ville qui symbolise, depuis son édification par Pierre le Grand, l’ouverture de la Russie sur l’Europe. Il entre à la faculté de droit – relativement libérale – de Leningrad où, d’après Alexandre Morozov, « il étudie Hobbes, Locke et Kant, dont il tentera même de placer une citation dans un discours ». Bref, il se modernise et s’occidentalise. Après un séjour ennuyeux et traumatisant en Allemagne de l’Est (lui qui rêvait de jouer les James Bond à l’Ouest, il assiste, impuissant, à la chute du Mur), il devient l’adjoint d’Anatoli Sobtchak, maire de la ville devenue Saint-Pétersbourg et grande figure dite libérale des années 1990. Mais le positionnement anticommuniste est, à l’époque, à la mode. Quelqu’un qui, comme lui, veut rapidement grimper dans la hiérarchie doit obligatoirement l’adopter. C’est ce que fait Poutine, qui se présente alors lui-même comme un « spécialiste en relations humaines », c’est-à-dire espion professionnel.

« Vladimir Poutine ne promeut aucune “voie russe” spécifique, mais une philosophie politique tout à fait européenne »

Alexandre Morozov,  journaliste d’opposition

On peut donc se demander si Vladimir Poutine a jamais été libéral. Propulsé à la tête du pays dès 1999 par le clan Eltsine avant d’être élu dans la foulée président en 2000, il a d’abord donné l’image d’un dirigeant pro-occidental, résolu à moderniser un pays désorganisé par le postcommunisme des années 1990. Selon Alexandre Morozov, dans la première moitié de son exercice du pouvoir (ses deux premiers mandats, de 2000 à 2008), « son objectif est de rapprocher la Russie des standards mondiaux dans des domaines comme l’éducation, l’économie, la législation, le droit de propriété… Il ne promeut aucune “voie russe” spécifique, mais une philosophie politique tout à fait européenne ». Il s’entoure de ministres et de conseillers libéraux. C’est l’un d’eux que nous avons interrogé. Andreï Illarionov était le conseiller économique en chef de Poutine à partir de 2000. Il a démissionné fin 2005 et travaille désormais pour le Cato Institute à Washington, un think-tank libertarien où il est senior fellow (« collaborateur émérite »). Or, selon lui, qualifier Poutine de libéral est inexact. D’un point de vue économique, « il a adopté à l’époque une forme économique neutre, répandue en Occident, ni de gauche ni libérale au sens classique ». Et du point de vue politique ? Encore moins, d’après Illarionov : « Ayant développé ses vues au sein du KGB, il a initié une politique qui n’a absolument rien à voir avec le libéralisme. » Pour le prouver, il énumère les actions d’éclat des premières semaines de pouvoir de Poutine : explosions organisées par les services secrets pour justifier une intervention en Tchétchénie, bombardements meurtriers sur Grozny, enlèvement d’un journaliste indépendant, prise de contrôle des chaînes de télévision NTV, puis ORT… Quant aux symboles, Illarionov enfonce le clou : « Il y a eu, la première année, une lutte sans merci pour rétablir l’hymne soviétique. Poutine était le seul à défendre cette idée. Une bonne partie de l’administration présidentielle, moi compris, était farouchement contre. Il a fini par imposer ses vues. L’hymne soviétique est revenu. »

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Article issu du magazine n°80 mai 2014 Lire en ligne
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