Écorchés vifs
Perdre son sang-froid, est-ce bien raisonnable ? Si pour les Anciens, l’irritabilité représentait une perte de contrôle, voire une sortie de soi, elle est aujourd’hui devenue une arme de vigilance face aux dérèglements du monde.
Pendant toute la durée des confinements, ma box Internet n’a pas fonctionné. Après de nombreux appels adressés au mal nommé « service client », où je ne parvenais qu’à des « échanges » stériles avec des boîtes vocales, je suis passé à la concurrence. Las ! mon ancien abonnement a continué à être prélevé pendant près d’un an. De sorte que, la semaine dernière, quand j’ai enfin réussi à entrer en contact avec un humain, j’ai explosé. Et l’interlocutrice de me demander : « Mais, Monsieur Legros, pourquoi perdez-vous ainsi votre sang-froid ? » N’aurais-je pas dû m’économiser plutôt que de vouloir dire son fait à cette personne au prix de ma sérénité ?
Un impensé du quotidien
Dans le monde contemporain de plus en plus urbanisé, technologique, impersonnel, des scènes de ce genre, au travail, dans la rue ou dans les transports sont légion. Sans compter les réseaux sociaux qui ont transformé la conversation publique en une joute d’une virulence inédite. Pourquoi s’énerve-t-on ? À quoi tient et à quoi sert cette étrange irritabilité de notre système nerveux qui semble s’exciter spontanément face à la résistance du réel, de l’adversité ou de la supposée incompétence de nos semblables, mais également – il faut le reconnaître – des suites de notre fatigue ou de notre intolérance aux désagréments du quotidien ? Par quel mécanisme décidons-nous, car c’est une décision, de lâcher la bride – ou pas – à notre irritation ? Et lorsque nous donnons libre cours à notre fureur, est-ce que nous exprimons nos pensées et sentiments les plus profonds, ou est-ce qu’au contraire nous sommes poussés « hors de nous » et perdons, sous l’effet de la pression extérieure, la maîtrise de nous-mêmes ? Y a-t-il des tempéraments plus enclins que d’autres à s’exaspérer ? Des attitudes plus raisonnables ou plus efficaces face à l’adversité ? Étrangement, alors qu’il met en jeu notre capacité à garder le contrôle de nous-mêmes au quotidien – observez du dehors deux individus qui s’écharpent, c’est un spectacle fascinant –-, l’énervement semble avoir échappé à la réflexion philosophique. C’est peut-être qu’il est l’enfant tardif de la modernité.
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