En librairie : “Le Sens de la tech”, livre de dialogues réalisé par Philonomist
Longtemps, « technologie » a été synonyme de « progrès ». Aujourd’hui pourtant, certains voient dans le tout-numérique une source d’inquiétude, voire une fuite en avant menaçant aussi bien l’humanité que son environnement. Comment un tel changement est-il advenu ? Peut-on redonner du sens à la technologie sans tomber dans l’idolâtrie technophile ?
C’est la question qui anime Le Sens de la tech, une collection de dialogues entre penseurs et dirigeants coréalisée par Philonomist et Philosophie magazine Éditeur. Nous vous proposons de découvrir un extrait de sa préface, écrite par la rédactrice en chef du site Philonomist, Anne-Sophie Moreau, qui a dirigé l’élaboration de ce livre.
« La technologie est bien plus qu’un outil. On ne l’utilise pas comme on saisit un marteau pour planter un clou. Lorsqu’on parle de “technologie”, on n’entend plus la vieille définition du mot désignant autrefois une “science des techniques” ; on suggère que la technique fait système, qu’elle impose quelque chose comme une logique – un logos, qui en grec signifie à la fois “langage” et “raison”. L’outil est un prolongement de notre bras ; il ne nous prive pas de la décision de mener telle ou telle action. Ce n’est pas parce que je possède un marteau que je me sens obligé d’enfoncer des clous ! La technologie, elle, ne se contente pas de prolonger les capacités de l’humanité. Elle a beau ne pas avoir de volonté propre, elle exerce une certaine forme de pouvoir dans la mesure où elle bouleverse et réorganise nos modes de vie de manière structurelle. Martin Heidegger insistait sur la différence entre un petit pont de bois posé entre deux rives, fruit d’un savoir-faire technique qui permet d’habiter la nature, et une centrale qui “somme” le fleuve de livrer sa pression hydraulique (“La Question de la technique”, dans Essais et conférences [1954], Gallimard, 1980). La seconde “arraisonne” la nature, met en place un dispositif qui transforme tout en ressources et tend vers une fin dont nous ne sommes plus maîtres. Aujourd’hui, la question se pose tant dans le domaine de l’énergie que dans celui des transports : la voiture n’est pas qu’un moyen de se déplacer ; elle implique une infrastructure qui modifie en profondeur l’organisation du territoire et impose la consommation de certaines ressources – à tel point que nous finissons par en devenir dépendants. À quel moment avons-nous décidé de l’instauration d’une civilisation carbonée dont nous semblons subir les conséquences pourtant prévisibles ? Et comment s’en affranchir sans sombrer dans un technopessimisme généralisé ?
Face à ces enjeux abyssaux, la tentation est grande de condamner la technologie. On n’arrête pas le progrès, dit l’adage. Bien sûr que si, répondent les décroissants. S’il est illusoire de vouloir résoudre la crise climatique à coups de gadgets connectés, il serait pour autant dommage de condamner toute innovation qui pourrait nous permettre d’aller de l’avant – à condition, bien sûr, d’envisager les avancées technologiques non plus comme le moteur d’une croissance économique aveugle, qui pollue la planète et dont une bonne partie de la population peine à palper les retombées concrètes, mais comme l’outil d’un progrès social, environnemental, culturel… Pendant des siècles, la technologie a amélioré le quotidien des hommes. Devrait-on désormais, par pure idéologie, se priver de ses avancées ? Et, a fortiori, s’empêcher de développer celles du futur au nom d’une religion de la nature qui condamne aveuglément l’artifice ? »
Paru le 26 mai chez Philosophie magazine Éditeur, notre dernier ouvrage, Le Sens de la tech. Dialogues entre penseurs et dirigeants, est disponible ici.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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