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Guillaume Merlin, conducteur de train. © Stéphanie Lacombe pour PM

24 heures avec…

La voie du rail, en immersion avec Guillaume Merlin, conducteur de train

Samuel Lacroix publié le 14 février 2024 9 min

Les progrès de l’intelligence artificielle font craindre aliénation et perte d’autonomie. Il est pourtant une profession dans laquelle d’excellents rapports entre l’humain et la machine semblent s’être noués : conducteur de train. Pour comprendre comment les premiers engins de l’âge industriel ont évolué – et nous aussi –, nous avons passé une journée avec Guillaume Merlin, « mécano » par vocation.

 

Mercredi, 15 heures / Ma locomotive d’amour

Guillaume Merlin, 34 ans, est « mécano », c’est-à-dire conducteur de train, depuis cinq ans. Nous nous sommes rencontrés à Paris, dans un bar de Montparnasse, un soir de mai, à la faveur d’un déconfinement, il y a trois ans. Ce mercredi, il m’attend dans le hall de la gare d’Austerlitz, la mine ravie. Grosses chaussures, jean standard, pull gris chiné, lunettes et sac à dos, l’apparat est tout simple. Nul ne devinerait qu’il conduira d’ici deux heures des centaines de personnes à Orléans, Salbris, Vierzon et Bourges. Les retrouvailles faites, nous nous rendons à une locomotive pour un « topo sécurité » et un premier aperçu de ces drôles de bêtes. Sur le quai, la BB 26000 est là, fière et imposante. À l’intérieur, une machinerie vertigineuse se déploie dans un mélange de câbles, ferrailles, turbines, pistons et boutons. « C’est mon petit sous-marin d’amour », s’amuse Guillaume, qui m’explique que nous vivons les derniers instants de ces locomotives des années 1990, bientôt vouées à disparaître pour laisser place à de toutes nouvelles, bien moins rustiques, mais beaucoup plus ergonomiques et silencieuses. M’enjoignant de garder les bras le long du corps, il me précise que le niveau de tension électrique est ici tel – 1 500 volts continu – qu’il est susceptible de faire fondre instantanément n’importe quelle surface. Ambiance. Longeant les couloirs, nous croisons le moteur, le système de freins et, comme dans les avions, la boîte noire, jusqu’à parvenir à la cabine. En son sein, pédales, klaxon, commandes de frein, volant de vitesse, petits cadrans et boutons divers. Au bout d’une heure, avant de regagner les bureaux, nous faisons un détour par une locomotive dernier cri, minuscule, une simple cabine. Le gros de la machinerie a disparu, désormais cachée sous nos pieds et sur le toit. Une forte odeur de plastique neuf se dégage. Dans notre dos, une porte donne directement sur les voitures des voyageurs. « Bien sûr, c’est beaucoup plus confortable, mais c’est très aseptisé, un peu ennuyeux. Ce sont des machines qui ne font pas un bruit, où il n’y a pas un machin qui tremble. On a un peu caché la mécanique, comme si c’était sale. »

 

16h10 / De la nécessité de l’humain

Nous gagnons les bureaux où Guillaume va prendre connaissance de « la feuille », soit le document de roulement lui indiquant l’organisation de sa journée, de sa prise à sa fin de service. Nous partirons à 17h04 pour Bourges et devons être sur site à 16h25. Pendant ce temps, la locomotive est « préparée » : allumée, acheminée et contrôlée par un « conducteur de manœuvre ». Pour le retour, ce sera à Guillaume de se charger de la préparation de la locomotive. Nous avons juste le temps de jeter un coup d’œil aux locaux, de boire un verre d’eau et de passer aux toilettes – les locomotives BB 26000 ne nous permettent pas d’y aller durant le trajet. Sitôt notre miction accomplie, nous retournons en gare et, fait cocasse, passons au milieu de nos futurs voyageurs pour gagner la locomotive. Je demande à Guillaume quel effet cela lui fait de passer ainsi, anonyme, au milieu des passagers qu’il va conduire, qui ne savent pas qui il est. La solitude, l’invisibilité ne semblent pas le déranger. Arrivés devant le train, nous jetons un dernier coup d’œil extérieur. Un geste inspiré, puisque Guillaume remarque que le crochet d’attelage pend bizarrement. Celui-ci réinstallé, nous prenons place en cabine. Le mécano – le nom est un héritage de l’époque de la vapeur et du pelletage du charbon – fait une dernière vérification d’une extrême minutie. Il sort de son sac des feuilles, un stylo, un règlement et des guides de dépannage. Je m’efforce de ne plus lui parler, afin de ne pas troubler sa concentration. Finalement, quoique je n’aie pas entendu le coup de sifflet, le train se met en route. Nous quittons la gare d’Austerlitz à faible allure. Guillaume appuie très régulièrement sur une pédale à ses pieds. C’est le dispositif de veille automatique : il doit effectuer cette action chaque minute environ afin de signifier qu’il est bien présent et actif, sous peine d’entraîner un arrêt d’urgence du train. La machine livrée à elle-même est un danger qui guette. A-t-il pris le réflexe de faire ce geste en dehors du travail ou dans son sommeil ? « Pas pour l’instant », m’assure-t-il, mais il connaît certains collègues touchés par le syndrome. Les kilomètres défilant, le pilote écrit beaucoup sur la feuille face à lui en murmurant. Au moment où nous croisons un feu orange, je l’entends dire distinctement : « Avertissement », avant d’appuyer sur un bouton jaune produisant un « bip » sonore. Verbaliser ce signal est une manière de se tenir le plus en éveil possible et de matérialiser l’éventuel arrêt à venir. 

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