Histoires de fesses
Avec l'exposition L’Empire des sens. De Boucher à Greuze, le musée Cognacq-Jay (à Paris) met à l'honneur l'art érotique du XVIIIe siècle et révèle le corps en pleine lumière.
Laissez la pudeur au vestiaire. Le musée Cognacq-Jay met à l’honneur François Boucher – maître de l’art érotique au XVIIIe siècle et génie des figures callipyges. Dans ce siècle dit de « l’Amour peintre », l’artiste réinvente, avec ses contemporains – Greuze ou Fragonard pour la peinture, son ami Crébillon pour la littérature –, un usage du monde. Avec eux, l’imaginaire amoureux des galants prend un tour libertin. Alors, les idées sont mises à l’épreuve de la chair, et on se prend même à considérer qu’elles en émanent. On pense désormais avec le corps, dans l’alcôve, où le spectateur rendu voyeur pénètre par le talent du peintre. En 1745, Boucher représente ainsi cette femme plantureuse, aux courbes amènes, joufflue, rose amas d’abandon alangui dans des draps bleus dévalant en torrent : L’Odalisque brune (photo), un scandale. Merveille d’érotisme moquée par Diderot, qui raille dans ses Salons la « peinture de boudoir » : « Que voulez-vous que cet artiste jette sur sa toile ? Ce qu’il a dans l’imagination. Et que peut avoir dans l’imagination un homme qui passe sa vie avec les prostituées du plus bas étage ? » Se gaussant, le philosophe, et toute une génération de collectionneurs après lui, manque la contribution du peintre à une révolution de la sensibilité. Car, écrit la philosophe Annie Le Brun, spécialiste de Sade, en postface du catalogue, tandis que les dieux « perdent leur privilège, les hommes se réapproprient leurs propres rêves pour en investir le monde. Clandestinement bien sûr, mais dans tous les registres, chanson, poésie, théâtre et roman en train de s’inventer. C’est pourtant dans cette diversité que l’imagerie libertine va trouver son unité, pour en faire surgir un monde sans précédent, quelque chose entre le conte de fées et le “monde à l’envers”. Un monde débarrassé de toute culpabilité et débordant de la joie profane de se suffire à lui-même. » Ainsi, la philosophie entre dans le boudoir.
L’Empire des sens. de Boucher à Greuze
Musée Cognacq-Jay (8, rue Elzevir, Paris IIIe) / Du 28 janvier (sous réserve) au 27 mai
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