Objet

Hitler et la relique téléphonique

Martin Legros publié le 2 min

Frappé de son nom et surmonté d’une croix gammée et d’un aigle impérial, le téléphone d’Adolf Hitler a été vendu le 19 février par la société d’enchères Alexander Historical Auctions, dans le Maryland (États-Unis). Pour 243 000 dollars. Présenté comme « l’arme la plus destructrice de l’histoire, qui a envoyé des millions de personnes à la mort à travers le monde », l’objet accompagna Hitler les deux dernières années de sa vie, lors de ses déplacements en voiture, en train, dans ses différents quartiers généraux. Retrouvé par des soldats de l’Armée rouge en 1945, à Berlin, dans le bunker où le Führer se donna la mort, il avait été donné en cadeau à un brigadier britannique et conservé depuis par son fils. Si celui-ci souhaitait s’en défaire au profit d’un musée pour, dit-il, « qu’en le voyant on se rappelle des horreurs de la guerre », il a été finalement acquis par un anonyme. Au-delà de la fascination pour le nazisme – dont témoignent les 65 000 exemplaires vendus en Allemagne de la réédition de Mein Kampf –, cette vente s’inscrit dans un mouvement de patrimonialisation de la marchandise. Dans Enrichissement. Une critique de la marchandise (Gallimard, 2017), les sociologues Luc Boltanski et Arnaud Esquerre soutiennent que le passé est devenu le nouveau « gisement d’exploitation » du capitalisme. En effet, la « forme collection », issue des musées, est en train d’imprimer sa marque à cette économie qui enrichit les choses en les associant à des récits. À la condition d’être soutenue par une « présentation narrative », « des choses hors production et hors d’usage, ayant le statut de quasi-déchets, peuvent à nouveau trouver des acquéreurs ». Au stade narratif du capitalisme, tout se recycle, même le pire.

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Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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