I. La voie de la maîtrise

Martin Duru publié le 6 min

Rêves de gloire, d’amour, de confort, d’épanouissement… souvent, vous avez le sentiment d’être le jouet de vos envies. Et si l’on vous aidait à reprendre le contrôle de votre vie?

Réussir sa carrière professionnelle ; amasser assez d’argent pour vivre dans le confort matériel ; manger un bon burger – et le lendemain bio ; multiplier les conquêtes avant de trouver l’amour, le vrai ; se sentir épanoui, « zen », au contact de l’essentiel… Tant de désirs contradictoires nous assiègent. Comment ne pas se perdre dans le labyrinthe de nos envies ? Trouver un fil d’Ariane suppose de définir clairement les priorités afin d’éviter la dispersion : Épicure s’attelait déjà à cette tâche. Prenant la nature pour critère de démarcation, il estime que certains désirs sont « vains » et doivent être éliminés. Ils correspondent à des aspirations irréalisables (devenir immortel) ou qui nous attachent à des choses superflues. Le philosophe prend l’exemple de la soif de gloire ou de richesses ; on peut adapter : courir les dîners mondains, craquer pour une Rolex… Exit ces désirs-là, bons pour les « insensés ». D’autres ne sont pas à proscrire dans l’absolu mais à contrôler : les désirs « naturels seulement », c’est-à-dire non nécessaires. Ils renvoient à des satisfactions biologiques, mais celles-ci ne sont pas vitales et risquent même de nous précipiter dans l’excès : commander sans avoir faim un copieux risotto aux fruits de mer ; faire l’amour – une éventuelle perte de temps et d’atomes (dont notre corps est composé) pour un épicurien conséquent… Celui-ci règle toujours sa mire sur les désirs naturels et nécessaires. Ce sont ceux qui visent à la fois « l’absence de souffrances du corps » – les indispensables : manger, boire, se vêtir, avoir un toit, toujours dans un esprit de sobriété – et « l’absence de troubles de l’âme », l’ataraxie. Pour Épicure, philosopher est un désir naturel et nécessaire : c’est une thérapie qui nous guérit de craintes élémentaires (la peur des dieux ou de la mort). Lorsque les désirs prééminents sont comblés, nous atteignons « la fin de la vie bienheureuse », qui n’est autre que le plaisir : un état stable de « plénitude », d’autosuffisance, où l’on vit comme un « dieu parmi les hommes »…

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