La magie du cinéma vue par neuf philosophes
Qu’est-ce donc que le cinéma ? Pourquoi aimons-nous tant nous y rendre ? Comment a-t-il changé le monde ? Autant de questions auxquelles les philosophes cinéphiles offrent quelques éléments de réponse. Florilège, à l’occasion de la 75e édition du Festival de Cannes.
Bergson : l’artifice cinématographique
Le cinéma est un art du mouvement. Mais, ajoute Henri Bergson, ce mouvement est une illusion, reconstituée à partir d’une succession d’images fixes. L’art cinématographique pose, en substance, la question de la transmutation du discontinu en continu.
“Ainsi fait le cinématographe. Avec des photographies dont chacune représente le régiment dans une attitude immobile, il reconstitue la mobilité du régiment qui passe. Il est vrai que, si nous avions affaire aux photographies toutes seules, nous aurions beau les regarder, nous ne les verrions pas s’animer : avec de l’immobilité, même indéfiniment juxtaposée à elle-même, nous ne ferons jamais du mouvement. Pour que les images s’animent, il faut qu’il y ait du mouvement quelque part. Le mouvement existe bien ici, en effet, il est dans l’appareil. C’est parce que la bande cinématographique se déroule, amenant, tour à tour, les diverses photographies de la scène à se continuer les unes les autres, que chaque acteur de cette scène reconquiert sa mobilité : il enfile toutes ses attitudes successives sur l’invisible mouvement de la bande cinématographique. Le procédé a donc consisté, en somme, à extraire de tous les mouvements propres à toutes les figures un mouvement impersonnel, abstrait et simple, le mouvement en général pour ainsi dire, à le mettre dans l’appareil, et à reconstituer l’individualité de chaque mouvement particulier par la composition de ce mouvement anonyme avec les attitudes personnelles. Tel est l’artifice du cinématographe”
Henri Bergson, L’Évolution créatrice (1908)
Benjamin : un laboratoire d’humanité
Walter Benjamin s’intéresse moins à la dimension artistique du cinéma qu’à la rupture anthropologique qu’il représente : avec la caméra, la quantité des faits humains susceptibles d’être captés, conservés et étudiés, est décuplée dans des proportions inédites.
“L’étendue des faits de l’existence humaine susceptibles d’être soumis à des tests (par suite de la lutte des intérêts plus vive et des méthodes de travail plus affinées) est aujourd’hui plus vaste que jamais. Nous rencontrons ici une prestation sociale décisive du cinéma. Il a fait entrer l’homme, dans toute l’étendue de son existence visible, à l’intérieur d’un laboratoire. Son importance repose en grande partie sur son aptitude à fixer des réactions humaines dans n’importe quelle constellation – des constellations qui apparaissent au public de cinéma pour ainsi dire comme un test complémentaire même s’il est la plupart du temps moral et rarement techniquement professionnel”
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