Le défi TikTok de la cicatrice et le sens des marques
C’est le nouveau défi TikTok, que d’aucuns jugeront sans doute d’une rare stupidité : s’infliger volontairement de petites cicatrices en se pinçant fortement la peau. Quel sens donner à cette pratique qui suscite une certaine inquiétude ?
La blessure et l’histoire
S’infliger volontairement une cicatrice – le nouveau défi à la mode sur le réseau social et plateforme de vidéos courtes TikTok, plébiscité par les (très) jeunes – semble à première vue non seulement aberrant mais franchement auto-contradictoire : la cicatrice est, comme l’écrit Jean-Luc Nancy, « cicatrice en laquelle une blessure se prolonge » (« La blessure, la cicatrice », 2005). Elle est la trace toujours vivace et visible d’une blessure qui n’était pas prévue et voulue, subie par un corps. La cicatrice est la marque laissée par l’exposition aux risques du monde extérieur, la rémanence d’une meurtrissure qui inscrit en nous, à même la peau, le sceau de l’extériorité. Nancy parle très justement de processus d’« incorporations-désincorporations ». La cicatrice est le stigmate matériel indélébile d’une chair entaillée, qui se cogne contre les aspérités du monde. Difficile d’appliquer cette grille de lecture au « défi cicatrice » de la plateforme TikTok, puisqu’en l’occurrence, la cicatrice trouve son origine dans la personne même qui la porte.
L’autre trait essentiel de la cicatrice tient à son caractère ineffaçable (du moins selon les dynamiques naturelles, biologiques, de cicatrisation). Face à ces cicatrices qui ne disparaissent pas, le sujet ne peut oublier les événements, violents, de son propre passé, qui façonnent son histoire. « Les cicatrices ont le pouvoir étrange de nous rappeler que notre passé est réel », écrit Cormac McCarthy. Elles sont les signes accumulés d’une histoire personnelle, comme l’exprime encore Nancy : « La vérité de la cicatrice est son inscription même, par laquelle se trouve inscrit […] une marque de provenance et donc aussi de destination. »
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