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© Carole Bellaïche pour PM

Monique Canto-Sperber et André Glucksmann. Qu’est-ce qu’une guerre juste ?

Monique Canto-Sperber, André Glucksmann, propos recueillis par Alexandra Laignel-Lavastine publié le 27 juillet 2006 9 min

Rwanda, ex-Yougoslavie hier, Tchétchénie, Irak ou Iran aujourd’hui, nous n’en avons pas fini avec la guerre. Comment maîtriser la fureur et rétablir la paix ? André Glucksmann et Monique Canto-Sperber examinent ici les raisons d’intervenir dans un monde chaotique et plaident pour le maintien de la justice dans la conduite de la guerre.

André Glucksmann : La notion de « guerre juste », cela vous surprendra peut-être, ne me paraît guère pertinente. Si une guerre juste est une guerre que je trouve juste, cela n’a pas grand intérêt : simple affaire d’opinion personnelle !

En revanche, la notion telle qu’elle s’élabore déjà chez Cicéron ou saint Augustin est, elle, profondément ontologique. Elle part en effet du principe qu’il existerait un ordre du monde susceptible d’être troublé par une agression. Dans ce modèle romain et chrétien, sera considérée comme juste une guerre qui soit restaure la tranquillité du monde (Cicéron), soit rétablit l’ordre de la Providence (Augustin). Mystère : d’où vient la popularité de cette notion alors même que nous ne croyons plus ni en l’ordre romain, ni en l’ordre chrétien ? C’est que nous persistons à penser la guerre dans l’horizon d’une paix jugée plus fondamentale : l’ordre est premier, la guerre seconde. Ce modèle renvoie au droit de faire la guerre (jus ad bellum) pour rétablir la paix. Dans le paradigme grec, au contraire, il y a précession de l’état de guerre. Nous sommes toujours in bello – dans un état de conflit –, la guerre se justifiant dans la mesure où elle vise à modérer la violence ou à éviter la fin du monde. Le problème central devient, du coup, celui du jus in bello (du droit dans la guerre).

En résumé, soit nous pensons la guerre dans l’horizon de la paix, soit nous concevons la paix dans l’horizon de la guerre. Ces deux paradigmes impliquent des conduites très différentes. À notre époque, je dirais que les modes de justification de la guerre devraient essentiellement relever du jus in bello et non du jus ad bellum : c’est parce que nous sommes immergés dans des situations où la guerre est toujours possible que l’effort pour maîtriser cette éventualité peut être argumenté. Bref, autant l’idée de guerre juste me paraît totalement anachronique, autant celle d’une justice dans la guerre (dont les règles ont été codifiées dans la convention de Genève ou la Déclaration universelle des droits de l’homme) me semble d’une brûlante actualité !

 

Monique Canto-Sperber : Si la notion de guerre juste reste pertinente à mes yeux, c’est qu’elle témoigne de notre double héritage en matière de réflexion sur l’éthique de la violence. Dans l’Antiquité, la guerre était considérée comme une conséquence quasi naturelle des interactions entre les cités et entre les hommes.
Ce n’est qu’avec le premier christianisme, qui recommandait plutôt de s’abstenir de toute violence, qu’émerge la possibilité même d’une « guerre juste ». À cette conception qui, depuis Augustin, lie étroitement la guerre et le bien, Grotius, contemporain de Descartes, impose un net infléchissement : il va détacher le recours à la guerre de la poursuite d’un bien et donner de la guerre juste une définition plus procédurale. La question sera donc la suivante : dans quelle mesure, au sein d’un ordre juridique donné, existe-t-il des raisons légitimes de faire la guerre, et selon quelles modalités ? Les États doivent désormais rendre des comptes. D’où l’obligation de fixer des critères. Ces critères ont à la fois trait aux motifs légitimes d’entrer en guerre (jus ad bellum : droit à l’autodéfense, devoir de mettre un terme à un massacre), et aux moyens acceptables de la faire (jus in bello). Aujourd’hui, nous héritons malgré nous de ces deux visions (Augustin et Grotius). Selon la première, la guerre est légitime si elle a pour but d’éradiquer un mal et d’établir un bien. Les interventions humanitaires ou les guerres censées promouvoir la liberté et la démocratie s’en inspirent. Elles tendent à faire des guerres qui se veulent justes des guerres à prétention morale. Selon la seconde, la justice de la guerre ne peut être conçue en dehors d’un filet étroit de raisons, de justifications, de règles et de limites. Elle place le droit dans la guerre (jus in bello) au cœur de la réflexion. Ces deux conceptions s’opposent au pacifisme pour lequel, en toute rigueur, l’usage de la violence est un mal en soi.

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