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Nécrologie

Mort du sociologue Ulrich Beck

Cédric Enjalbert publié le 05 janvier 2015 5 min
Le sociologue allemand Ulrich Beck est mort à 70 ans, le 1er janvier 2015 d’un infarctus. Il a forgé la notion de « société du risque » comme clé de compréhension du monde contemporain.

« La catastrophe sera illimitée dans le temps, l’espace et la dimension sociale. C’est le nouveau type de risques des temps modernes, et il n’est pas limité au nucléaire » écrit Ulrich Beck dans le quotidien nippon Asahi Shinbun, quelques mois après l'accident de la centrale de Fukushima, en 2011.

 

Modernité réflexive

Le sociologue allemand, né le 15 mai 1944 à Stolp en Poméranie (aujourd’hui Słupsk en Pologne), s’est fait un nom avec la publication de La Société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, rédigé en 1986. En avril de la même année, l’explosion du réacteur de Tchernobyl renvoyait l’Europe à sa vulnérabilité écologique et technique. Le chercheur a fait depuis du risque son objet d'études, à la faculté de Munich d’abord, puis à la London School of Economics and Political Science, où il enseigne jusqu’à sa mort, le 1er janvier 2015.

Il forme sa conception philosophique de la modernité à la suite de Weber et de Habermas, son collègue. « Nous sommes, selon Ulrich Beck, entrés dans une seconde modernité réflexive ». Seconde, rapportée à celle initiée depuis la Renaissance, qui s’est affirmé en Europe sous les Lumières, en permettant l’essor des sciences et des techniques liée au succès de la rationalité et du positivisme. Aujourd’hui, « l’essor des sciences et des techniques se poursuit ». Mais « ce processus ne peut plus être naïf. Il nous demande de nous interroger, tant au niveau individuel que collectif, sur ce que nous sommes en train de faire, d’expérimenter. Nous devons gérer les risques inhérents à notre maîtrise ».

 

Production de risque

Ulrich Beck reconnaît dans notre époque troublée un « Moyen Âge moderne », où l’individu se retrouve à nouveau exposé à un destin imprévisible. La « société du risque » puise précisément ses racines dans cette conscience nouvelle, qui suscite la peur. « On entend partout les murmures des toxiques et des polluants qui grouillent comme les démons du Moyen Âge. Les hommes leur sont quasiment livrés pieds et poings liés. Respirer, manger, se loger, se vêtir, autant de secteurs qu’ils ont investis. Et partir au loin est tout aussi inefficient que manger du muesli. Car ils nous attendent aussi à notre arrivée, et sont aussi cachés dans les céréales », explique-t-il dans son ouvrage phare, un classique traduit en français quinze ans après sa parution…

Cette perception omniprésente du risque, produite par la société, donne à elle seule une réalité à cette notion de risque, qui renvoie plus fondamentalement à la peur de chacun. Or « la peur crée sa propre réalité », poursuit-il. En retour, la sécurité apparaît comme une valeur fondamentale. Il ajoute: « La production des richesses est désormais intimement liée à une production de risques, comme l’illustre l’exemple de l’énergie nucléaire. Cela pose un problème de justice sociale. Si une partie seulement de la société profite de certaines richesses, une déprédation de l’environnement – une marée noire ou un nuage toxique radioactif – frappe toutes les classes sociales et traverse les frontières. »

 

Utopie cosmopolitique

Apparenté au SPD (le centre-gauche allemand), ce « colosse de la sociologie » participe activement au débat public, dialoguant avec les grandes figures intellectuelles du temps, de Toni Negri à Zygmunt Bauman. Son apport théorique indéfectiblement lié à l’action politique nourrit la gauche allemande, à la fin des années 1990. Un cheval de bataille : l’Europe, qu’il ne cesse de défendre par-delà les échecs de l’Union, avec un profond optimisme, armé d’un outil : le « cosmopolitisme méthodologique ». Son idée ? Paradoxale : « Si les gens se disputent tellement à propos de l’Europe, cela prouve que c’est une utopie réelle, effective » Il ajoute : « Pour ma part, j’appelle de mes vœux la naissance d’une Europe cosmopolitique. Moins qu’un dispositif institutionnel, j’entends par là un ensemble à l’intérieur duquel la diversité serait reconnue. Dans le cosmopolitisme, il est important de reconnaître le fardeau et la dignité de l’Autre. Le fardeau s’entend dans le sens où chaque minorité et chaque groupe, à l’intérieur de l’Europe ou en dehors, apporte le poids de son passé – les populations issues de l’immigration, les minorités religieuses, les femmes, les homosexuels, etc. Là est le cœur de ma conception du cosmopolitisme : une forme particulière de traitement social de l’altérité culturelle. »

Auteur de Pour un empire européen (Flammarion,‎ 2007) et de Non à l'Europe allemande (Autrement,‎ 2013), Ulrich Beck, cohérent avec cette défense du « traitement social de l’altérité culturelle » fustige le pragmatisme opportuniste d’Angela Merkel. Il forme un néologisme à usage polémique qui fait florès en Europe : le Merkievielisme. « Merkel est une héritière très originale de Machiavel. J’appelle “merkevielisme” son hésitation comme méthode de domestication. Elle qui a toujours du mal à prendre une décision a transformé ce trait de caractère en méthode de pouvoir. Chaque fois que l’aide allemande est requise, elle répond d’abord par un “non”, puis par un “à certaines conditions précises, oui”. Plutôt qu’un clair “oui” ou “non”, elle donne un clair “oui et non”. Du coup, l’éventualité de son refus fait prendre conscience de son pouvoir à ses partenaires européens : sans aide de l’Allemagne, l’Europe risque de s’effondrer. Merkel se retrouve donc en position d’imposer à tous les règles du jeu économique allemand. »

 

Essai et erreur

En dépit de la virulente critique de sa politique, Ulrich Beck accepte la proposition de la chancelière allemande lorsqu’elle annonce en mars 2011 vouloir renoncer au nucléaire civil d’ici 2022. L’intellectuel intègre alors la commission éthique chargée de réfléchir au projet. Il continue d’exprimer sa croyance en un État supranational voire en un Parlement mondial, convaincu que « L’empire cosmopolitique peut devenir une réponse à l’unilatéralisme des États-Unis et au néonationalisme. » Que penser de la crise européenne ? Là encore la notion de risque vient à au secours de la réflexion et nourrit l’optimisme : « le risque désigne une catastrophe future que nous pouvons prévenir en inventant. Il recèle une dimension d’espérance, une force mobilisatrice. […] Le risque suscite donc une utopie. Encore faut-il sortir du fantasme, très fort chez les économistes qui raisonnent par modèles, qu’on pourrait maîtriser les événements. Puisque nous ne savons pas ce qu’il se passe, nous sommes condamnés à avancer par essai, par erreur. L’austérité, est-ce bien ou pas ? A priori, on n’en sait rien. Ça n’a pas l’air de marcher ? Essayons autre chose. »

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