Natalie Depraz : les passages de la nuit
Dans nos voyages personnels au bout de la nuit, l’endormissement est le moment crucial. Mais il ne s’agit pas d’un interrupteur On/Off. Le passage de l’éveil au sommeil est un changement d’activité, non pas un repli de la conscience sur elle-même, même si, au bout du compte, la perte de conscience surgit.
L’endormissement est-il du côté de l’activité ou de la passivité ? Est-ce que je « fais » quelque chose quand je m’endors ?
Natalie Depraz : Si l’on entend l’action au sens de « faire quelque chose volontairement », il y a bien des choses que l’on fait au moment de l’endormissement. Ces actions - se mettre en pyjama, se mettre au lit, etc. - ne nous font pas elles-mêmes dormir mais contribuent à créer les conditions, le cadre dans lequel on s’installe pour qu’il puisse y avoir sommeil. Nous avons toutes et tous ce genre de rituels qui s’enchaînent de la même manière et nous mettent dans de bonnes dispositions pour le sommeil. Certains récitent des mots, la prière du cœur par exemple, d’autres comptent les moutons, etc. Mais l’action volontaire ne va pas, évidemment, jusqu’à pouvoir décider ou décréter la venue du sommeil – c’est souvent contre-productif. Dans l’endormissement se produit quelque chose qui ne dépend plus de moi, une dépossession, un lâcher-prise. Tout ce que je peux faire avant la venue du moment où la conscience s’absente, c’est attendre, attendre de me laisser gagner par le sommeil. Il y a encore une forme d’activité dans cette attente, même si cette activité n’a pas la même teneur, la même qualité que les actions que j’entreprends pendant la journée. Je veille encore, il y a de la perception. Et je peux être, dans ce moment, très attentif à ce qui est en train de se passer, très sensible à ce que je suis en train de vivre : la manière dont, progressivement, le corps s’engourdit. Cette attention peut permettre de maintenir en éveil la conscience, toute proche du moment où elle s’évanouit, où je m’endors. C’est une certaine qualité de présence à l’expérience, une forme de réceptivité, qui n’est pas une pure passivité, et qui me permet de ressaisir en partie cet engourdissement de moi-même.
"Dans l’endormissement se produit quelque chose qui ne dépend plus de moi, une dépossession, un lâcher-prise"
Cette attente peut être un peu frustrante, voire angoissante…
Il y a certainement quelque chose d’un peu inquiétant dans l’endormissement. Le sommeil est une nécessité vitale, mais je ne peux pas le commander. Ou alors il faut que j’en passe par des artefacts : des somnifères, de calmants, etc. Mais qui s’endort, alors ? Est-ce encore vous qui vous endormez, et en quel sens ? Il y a en même temps une inquiétude liée à la dépossession, au lâcher-prise propre à la plongée dans le sommeil. Quelque chose nous échappe, nous glisse entre les doigts, que nous ne contrôlons plus. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, parfois, nous nous réveillons quelques instants après nous être assoupis – avec la fameuse impression de rater une marche.
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