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Portrait de Marie Darrieussecq en juin 2021. © Hélène Bamberger/Opale

Entretien

Marie Darrieussecq : “Dans l’insomnie se joue quelque chose de très archaïque et animal”

Marie Darrieussecq, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 21 septembre 2021 8 min

Un jour, la romancière Marie Darrieussecq a perdu le sommeil. Ne pas pouvoir dormir, c’est « errer sans ombre », écrit-elle dans Pas dormir (POL, 316 p., 19,90€). Son errance ouvre les mystères de l’insomnie, qui, comme le sommeil, échappe à la raison, à la volonté et à la conscience de soi. « Qu’est-ce qui ne dort pas quand je ne dors pas ? » : avec cette question inspirée de Levinas, l’écrivaine nous mène au cœur d’une forêt profonde qui disparaît. Vertige métaphysique assuré !

 

L’insomnie, c’est ne pas dormir, et pourtant, ce non-sommeil n’est pas exactement le contraire du sommeil. Pouvez-vous expliquer ?

Marie Darrieussecq : L’insomnie est le contraire de « pouvoir dormir ». Une phrase de Fernando Pessoa a fixé mon programme pour ce livre : « Je ne dors pas, Je ne dors pas. Je ne dors pas. /Quel grand sommeil en mon crâne, sur mes yeux, dans mon âme ! /Quel grand sommeil partout sauf dans cette impuissance à dormir ! » J’ai cherché à creuser ce « je ne dors pas », qui n’est pas un éveil. À 4h du matin, on n’est pas éveillé, on ne dort pas, ce n’est pas la même chose. Le non-sommeil de l’insomniaque se situe dans des limbes, dans des vortex, des zones hypnagogiques. On ne sait pas où l’on est : ce n’est ni un espace ni un temps, ou alors c’est un espace-temps distordu. Et c’est cela qui est passionnant ! Il m’arrive de noter les idées qui me viennent dans ces moments-là, mais quand je les relis au matin, je les trouve rarement bonnes parce qu’elles ne s’adressent à personne. La nuit, quand on ne dort pas, on est hanté par des tas de spectres, d’ennemis (on est très paranoïaque !), d’obsessions, mais on est profondément seul. Les pensées qui nous traversent ne concernent rien ni personne, elles ne sont pas adressées. 

“Nous sommes fondamentalement inégaux face au sommeil et face à l’insomnie”
Marie Darrieussecq

 

Et pourtant, il semble que l’insomnie ait quelque chose à voir avec l’écriture. Vous avez réuni une impressionnante bibliographie d’écrivains insomniaques : Proust, Kafka, Woolf, Dostoïevski, Borges, Pavese… Cela vous rassure-t-il ?

Je ressens fortement ce lien qu’entretient la littérature avec le non-sommeil. Cela ne veut pas dire que l’on écrit parce qu’on ne dort pas, encore moins pendant qu’on ne dort pas, ou au lieu de dormir. Je dirais plutôt qu’écrire, c’est ne pas dormir. Mais je n’ai pas voulu faire un livre d’écrivain sur les écrivains… ni même un livre d’insomniaque qui ne parlerait qu’aux insomniaques, bien qu’il y ait dans cette expérience quelque chose d’incommunicable aux dormeurs. Nous sommes fondamentalement inégaux face au sommeil et face à l’insomnie. Un grutier ou un conducteur d’engins affrontent beaucoup plus de risques et de fatigues que moi, et pour eux, l’insomnie est un vrai drame. J’éprouve de la compassion pour cette conductrice de car scolaire qui, il y a quelques années, a provoqué la mort de six collégiens en percutant un train sur la voie ferrée parce qu’elle n’avait pas vu la barrière. Cette femme était insomniaque et avait pris la veille au soir du Stilnox, un somnifère puissant et très réglementé, mais qui diminue la vigilance. Cette femme était obligée de dormir pour pouvoir conduire les enfants le matin. Ce destin-là est vraiment une damnation. Moi, je n’ai pas à me lever le matin pour assurer de lourdes responsabilités. Mon insomnie est un luxe ! J’ai écrit d’ailleurs ce livre assez tard parce que j’avais honte : j’avais honte de ne pas dormir.

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