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Il était une IA

OpenAI : quand les intelligences artificielles se mettent à raconter des histoires

Batiste Morisson publié le 12 décembre 2022 4 min

Mise en ligne il y a un peu plus d’une semaine, la nouvelle version du système d’intelligence artificielle d’OpenAI fait grand bruit. De manière impressionnante, elle s’approprie une faculté jusque-là spécifique aux hommes : la capacité à élaborer des histoires.


« Il était une fois un petit garçon qui vivait dans une petite ville. Tous les jours, il se levait tôt et se dirigeait vers l’école. Un jour, il vit un arc-en-ciel juste après la pluie. Il était tellement beau qu’il s’arrêta pour le regarder. Il courut chez lui et prit un morceau de papier et un stylo, puis il dessina le plus bel arc-en-ciel qu’il avait vu. Il l’accrocha alors dans son salon et le regardait chaque jour en souriant. Cette histoire lui rappelait qu’il faut profiter des petites choses de la vie et qu’on peut trouver la beauté partout. »

Voilà le récit qui a défilé progressivement à l’écran lorsque j’ai écrit : « Raconte-moi une histoire courte » sur OpenAI. C’est d’autant plus impressionnant que le programme est capable de produire une infinité d’histoires, plus ou moins longues et précises, selon la commande que vous faites au début. Essayez par vous-mêmes : une fois votre compte créé, il ne faut qu’une poignée de secondes à l’intelligence artificielle (IA) pour inventer une histoire cohérente, avec un début et une chute, des personnages caractérisées, et confrontés à des événements créés de toutes pièces. Cette fois-ci, j’ai même pu constater que l’IA n’avait pas manqué de tirer une morale du petit récit.

 

Un projet prométhéen

C’est OpenAI, un centre de recherche privé en intelligence artificielle, qui est à l’origine d’un tel projet. L’entreprise a été cofondée dans la Silicon Valley en 2015 par Elon Musk, qui s’est depuis retiré du conseil d’administration de l’entreprise, et par Sam Altman, actuel patron d’OpenAI et créateur de Y Combinator – l’incubateur de start-up qui a financé, entre autres, Airbnb et DropBox. La société se propose de mener à bien un projet on ne peut ambitieux : développer une IA capable de comprendre et d’apprendre comme un humain, et bénéficiant à « toute l’humanité ».

“Rédiger une dissertation, développer un point de vue argumenté, imiter le style d’un auteur… Peu de choses semblent échapper à ce programme”

 

Si l’entreprise suscite un tel engouement depuis quelques jours, c’est qu’elle a dévoilé le 28 novembre la nouvelle version de GPT-3 (pour « Generative Pre-trained Transformer »), le plus gros programme d’écriture automatisée, avec 175 milliards de paramètres. Le nouvel outil est capable de gérer des instructions d’une grande complexité et de produire des textes plus fournis et précis qu’auparavant. Difficile désormais de mettre l’IA en difficulté : rédiger une dissertation, développer un point de vue argumenté, imiter le style d’un auteur… Peu de choses semblent lui échapper.

 

Le stade fabulateur de l’intelligence artificielle

Pas même la capacité à raconter des histoires, que l’on conçoit habituellement comme inextricablement liée à l’humanité. Il n’y a encore pas si longtemps, nous n’aurions pas parié qu’elle serait si rapidement déléguée.

Un lien fort entre humanité et fabulation a été posé par des philosophes comme Henri Bergson, qui ont fait de la capacité à raconter des histoires l’apanage de l’homme. Dans Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932), Bergson explique en effet que « la faculté fabulatrice » est nécessairement attachée à l’intelligence humaine et qu’elle est indispensable pour nous maintenir en bonne condition. Elle répond en fait une fonction vitale : lutter contre une déprime qui doit frapper inévitablement l’homme.

La “faculté fabulatrice” permet de combler, “chez des êtres doués de réflexion, un déficit éventuel de l’attachement à la vie”
Henri Bergson

 

Pourquoi sommes-nous nécessairement sujets à un tel abattement ? Parce qu’en développant notre intellect, nous venons à nous inquiéter de la mort et de la réussite de nos actions. C’est alors dans les récits que nous pouvons oublier notre condition et retrouver une confiance en la vie. La religion (en tant qu’ensemble de représentations et de récits) et la littérature dérivent de la « faculté fabulatrice » et permettent de combler, « chez des êtres doués de réflexion, un déficit éventuel de l’attachement à la vie », conclut Bergson.

 

Fables trop artificielles ?

OpenAI a indéniablement signé, avec son nouvel outil, l’avènement d’une « faculté fabulatrice artificielle ». Mais celle-ci pourra-t-elle remplacer notre inventivité et conjurer, avec des histoires déterminées par un algorithme, les effets déprimants de l’intelligence dont parle Bergson ?

Il est permis d’en douter. Comme le rappelle le philosophe, il n’est possible de neutraliser les élucubrations de notre intelligence qu’au moyen d’histoires « vives et obsédantes », naturellement irréductibles à un agencement de lieux communs littéraires. Il nous suffit de revenir à l’histoire du petit garçon et de son arc-en-ciel pour constater que la fonction fabulatrice artificielle manque à cette exigence d’originalité. L’histoire ne comporte ni perturbation ni retournement de situation, et fait un éloge convenu de la beauté des petits riens. Construite selon un schéma prévisible (situation initiale-événement-conclusion), elle ne peut générer que peu de surprise ni de grand intérêt.

À l’inverse, la fonction fabulatrice humaine se distingue par sa capacité à esquiver le topos (motif littéraire attendu), à construire des récits déroutants, et à neutraliser les morales trop évidentes… Elle reste, pour l’heure, indispensable au bien-être d’une espèce qui ne peut se passer d’histoires captivantes et uniques permettant d’oublier la réalité.

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