“Pourquoi avons-nous besoin d’être aimés ?”
Question de Chloé Neq
Parce que nous ne sommes pas sûrs de notre valeur ni d’exister réellement. Si tu m’aimes, c’est bien que j’existe, non ? Si tu m’aimes, je ne peux pas ne rien valoir… Nous avons besoin d’être aimés parce que nous ne sommes pas des monades autosuffisantes : nous sommes des êtres de relations qui trouvons notre vérité dans le regard des autres, dans leur attention ou dans leur amour. Cela ne date pas d’hier. Bien plus que la plupart des autres mammifères, nous naissons dans une dépendance totale à l’égard des autres : nous venons au monde prématurés, immensément fragiles et démunis. « Être, c’est dépendre », explique on ne peut plus clairement Alain. Nous avons besoin d’être aimés pour compenser cette détresse infantile, dont nous réussirons peut-être à sortir, mais en en payant le prix. Nous serons les « victimes de cette victoire », écrit Louis Althusser dans L’avenir dure longtemps. Dans notre besoin d’amour, quelque chose demeure de cette détresse infantile. C’est pourquoi nous avons du mal à vouloir être aimés comme des adultes. Nous confondons « être aimé » et « être protégé », « être aimé » et « être rassuré », ou « être consolé ». Notre besoin d’amour fera de nous de grands enfants fragiles et dépendants dans des corps d’adultes. Nous pouvons penser que c’est là, précisément, la beauté de l’amour : nous autoriser à la vulnérabilité. Si « être, c’est dépendre », alors autant dépendre de belle manière : peut-être même avons-nous besoin d’être aimés pour incorporer cette vérité de la dépendance et sortir enfin de l’illusion de l’indépendance, en même temps que de celle du libre arbitre ou de la maîtrise totale. Grâce à l’amour, nous comprenons que nous ne serons jamais des sages antiques, souverainement calmes et indépendants. Puisque nous ne choisissons ni d’aimer ni d’être aimés, nous devons cesser d’être cartésiens et de croire au libre arbitre. C’est l’heure de devenir nietzschéens : nous sommes choisis plus que nous ne choisissons. Reste à savoir aimer son destin, lui dire oui jusque dans la souffrance : la dépendance n’est pas, en effet, de tout repos.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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