Qu’est-ce qu’une guerre juste ?
Platon, Aristote / Les sources grecques de la guerre juste
« À l’époque où l’Église bénéficiait d’une véritable autorité spirituelle dans le monde entier, c’est elle qui a mis au point la doctrine de la guerre juste », écrivait le prélat Michel Dubost dans La Guerre. Un évêque prend la parole (2003). La réalité est, en fait, un peu plus compliquée. On trouve déjà, chez les anciens Grecs, des réflexions sur la distinction entre guerre juste et guerre injuste – sur la possibilité de fournir un critère supra-étatique permettant de juger l’action de la Cité. La question est déjà posée dans le Premier Alcibiade de Platon. « Contre qui conseilleras-tu aux Athéniens de faire la guerre, contre ceux qui agissent injustement ou contre ceux qui pratiquent la justice ? » interroge-t-il.
Mais c’est surtout à Aristote que l’on doit, dans son Éthique à Nicomaque, cette idée selon laquelle « la guerre soit en vue de la paix », c’est-à-dire en vue de l’établissement d’un ordre juste, tel est l’horizon. Et Aristote de résumer sa position : « L’entraînement à la guerre, il ne faut pas le pratiquer en vue de réduire en esclavage des gens qui ne le méritent pas, mais d’abord en vue d’éviter soi-même de devenir esclave des autres ; ensuite pour rechercher l’hégémonie dans l’intérêt des sujets, et non pour régner en maître sur tous. » Si elle est en grande partie défensive, la guerre juste peut donc aussi légitimer, pour Aristote, une action offensive, une opération de conquête.
Cicéron / La médiation latine : jus ad bellum, jus in bello
C’est en particulier par le Latin Cicéron, imprégné de l’universalisme stoïcien qui suppose de considérer le monde comme une unique patrie, que se transmettra, au monde chrétien, cet idée de la guerre en vue de la paix. Dans le De Officii, il ébauche la distinction entre droit à la guerre (jus ad bellum) et droit de la guerre (jus in bello). Le jus ad bellum occupe l’essentiel de sa réflexion : la guerre doit toujours être employée en dernier recours, déclarée en bonne et due forme et être d’abord défensive (réponse à une agression, secours d’un allié). « La force qui défend la patrie contre les barbares est tout à fait conforme à la justice de même que celle qui protège des voleurs. » Mais Cicéron interroge, aussi, le jus in bello, la manière de conduire la guerre une fois celle-ci déclenchée : « Il y a un droit de la guerre et la foi jurée doit être observée même contre un ennemi. » La guerre doit, en particulier, se conduire sans excès de violence, en respectant une certaine proportionnalité.
Augustin / Christianisation de la guerre juste
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