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Roberto Saviano, le 1er février 2023 à Rome. © Filippo Monteforte/AFP

Événement

Roberto Saviano : “La mort est devenue comme quelqu’un que je côtoie chaque jour”

Roberto Saviano, propos recueillis par Stefania Gherca publié le 21 février 2023 9 min

À l’occasion de son passage à Paris, l’écrivain italien Roberto Saviano a donné une conférence à Sciences Po Paris sur l’économie illicite de la drogue et de la mafia. Il nous a accordé, en aparté, un entretien où il revient sur ce thème et évoque aussi le rapport à la vérité et à la loi dans la mafia, ainsi que la dimension existentielle de son engagement. Une rencontre exceptionnelle.

 

Vous vous intéressez depuis longtemps à l’économie illicite de la drogue et la manière dont elle se nourrit de l’économie légale. En Europe du Nord, il semble que le trafic de la cocaïne cherche de nouveaux débouchés, via les ports d’Anvers et du Havre notamment. Pourrions-nous tirer des leçons de l’expérience italienne en la matière ?

Roberto Saviano : Je pense que les ports français et belges ne sont qu’au début de leur développement en termes de trafic de cocaïne. Mais s’il y a quelque chose à retenir des mesures italiennes, c’est que la législation spéciale mise en place dans la lutte contre la mafia a porté ses fruits. Même si les problèmes liés à la bureaucratie et à la corruption demeurent très vifs en Italie. Il faut savoir que la cocaïne est une « marchandise » extrêmement rentable du point de vue strictement économique. Investir 5 000€ dans de la cocaïne pure, cela peut rapporter près d’un million. Le seul autre marché comparable aujourd’hui en termes de chiffre d’affaires à celui des narcotiques est le marché du pétrole. Je me pose souvent la question : mais combien de gens se droguent, au fond ? Car les chiffres délivrés par les centres de désintoxication ne collent pas du tout à l’immensité du marché. Ce décalage existe aussi dans le domaine de la culture. En littérature ou sur nos écrans, nous manquons d’œuvres, de romans, de films ou de séries qui nous donnent une représentation exacte du trafic de drogue. Ce qui avait été fait pour le banditisme dans la littérature et le cinéma n’existe quasiment pas pour la drogue. Et en philosophie aussi malheureusement, on s’est très peu intéressé aux mécanismes du pouvoir criminel lié à la drogue. Comme si tout cela était irréel. Alors que cela pénètre de plus en plus notre réalité.

“Pour moi, quelqu’un qui est contre les drogues doit être pour la légalisation” Roberto Saviano

 

Face aux trafics illicites, vous défendez le principe de la légalisation des drogues, en particulier des drogues douces. Pourquoi ?

Pour moi, quelqu’un qui est contre les drogues doit être pour la légalisation. Même si je suis conscient que cette position n’a pas beaucoup de chances de marcher politiquement. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, légaliser, ce n’est pas inviter les gens à se droguer. On l’a vu aux États-Unis durant la prohibition [qui a duré de 1920 à 1933] : les gens continuaient à boire et se tournaient alors vers des trafics illicites. Aujourd’hui, on rejette souvent la faute sur les migrants qui œuvrent dans les petits trafics de drogue. Mais ce ne sont pas eux qui génèrent le crime, c’est la mafia ! Car qui fournit ces migrants ? La faute revient aux individus qui les emploient, et qui ne viennent pas de Libye ou d’Afghanistan, mais de Corse et d’Italie. Le pouvoir est entre les mains des grands distributeurs, pas entre celles des producteurs ni des petits trafiquants. L’immense majorité de l’argent finit en Europe ou aux États-Unis, et non pas sur les lieux de production en Colombie, en Bolivie, au Pérou. Je dis souvent : « Regardez la cocaïne, et vous ne verrez que de la poudre ; regardez à travers la cocaïne, et vous verrez le monde. » Or l’argent généré par la drogue, étant illégal, ne permet pas de construire des écoles ou des terrains de foot. Et la mafia sait bien que si elle veut rester puissante, il ne faut pas qu’on investisse dans les quartiers. Ils l’ont fait à New York, et c’est en partie pour ça qu’elle a perdu de sa puissance là-bas. Les gamins sont allés à l’école, puis à l’université, et ne se sont pas laissés entraîner dans l’engrenage. Quand on légalise, on a plus de contrôle. Mais je suis très conscient que cela pose des problèmes moraux énormes, surtout concernant les autres types de drogues, et je ne dis pas que c’est la solution parfaite. En France par exemple, le trafic d’ecstasy est financé en grande partie par le trafic de cannabis. Donc légaliser le cannabis, ce serait se donner le moyen de porter un coup à d’autres trafics en même temps.

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