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(cc) Wikimedia Commons / Yves Tennevin

Sylvain Tesson : “Ma fascination va à ceux qui allient l’esprit à l’action”

Sylvain Tesson, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 18 février 2020 13 min

De la panthère des neiges aux alpinistes en passant par Ernst Jünger ou Napoléon, les admirations de l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson balaient un large spectre. Avec un fil directeur : il cherche la beauté en mouvement.

Quel est votre rapport à l’admiration ?

Sylvain Tesson : Je me méfie de la pointe de narcissisme qui perce souvent dans l’admiration. De l’admiration, il en va un peu comme de l’amour : « Amare amabam », « j’aimais aimer », confie Augustin dans ses Confessions, signalant que sa dilection l’attache au sentiment amoureux davantage qu’à telle ou telle femme. Nous savons que l’admiration est une vertu, et il est agréable de se sentir vertueux. Et puis, si je clame mon admiration pour quelques génies, ne suis-je pas en train d’attendre que, par ruissellement, ceux que j’ai placés tellement haut me transmettent un peu de leurs qualités et m’élèvent moi-même ?

 

Que serait, alors, une admiration désintéressée ?

Peut-être une admiration pour l’ordinaire, pour ce qui n’est pas glorieux et solaire de l’avis général. Il y a également des admirations qui s’apparentent à des reconnaissances de dette, qui ont moins vocation à rehausser le prestige de celui qui les profère qu’à l’inscrire dans une filiation. Il s’agit de rendre hommage à ceux qui vous ont permis de devenir celui que vous êtes, plutôt que de désigner ce que, dans vos rêves les plus mégalomanes, vous souhaitez devenir. Je me retourne, je regarde derrière mon épaule la longue ascendance, et j’éprouve de l’humilité et de la gratitude : alors, oui, j’admire.

 

Quels sont vos souvenirs d’admiration les plus anciens ?

La découverte, enfant, de l’histoire de l’alpinisme. En 1980, j’ai commencé à lire des récits d’ascension. En 1983 est sorti le film Opéra vertical, autour de la personnalité charismatique du grimpeur blond Patrick Edlinger. L’une des figures qui m’a le plus marqué à l’époque est celle de Pierre Mazeaud, car j’ai vu en lui la coïncidence de l’action physique, de l’intelligence et de l’action politique. Commis de l’État, juriste, constitutionnaliste, écrivain, il a été le premier Français à conquérir l’Everest et il fut reconnu comme l’un des meilleurs alpinistes de sa génération. J’étais émerveillé qu’on pût, dans le resserrement d’une seule existence, porter plusieurs expressions des capacités humaines à un tel niveau d’accomplissement. De façon générale, je me suis très tôt senti admiratif de ceux qui, comme Pierre Mazeaud ou Lawrence d’Arabie dans un autre genre, ont réussi à se réaliser dans la double dimension de l’action et de l’esprit. Réconcilier le muscle et la plume, voilà qui force le respect !

 

« Se mettre à l’épreuve pour décrocher une timbale dérisoire, je trouve ça digne d’estime »

Sylvain Tesson

Mais qu’est-ce qui vous fascine tant dans l’alpinisme ?

L’alpiniste est, à mes yeux, un personnage métaphysique. D’abord, parce qu’il fait preuve d’une sérieuse dose de mépris de lui-même. Aller se suspendre à une paroi, dormir au-dessus du vide, avoir faim, avoir froid, perdre des orteils et des doigts, risquer de mourir bêtement à cause d’une chute de pierre… Il faut être vraiment indifférent à son petit confort pour y consentir. La capacité d’endurer me fascine. Cette abnégation se redouble chez l’alpiniste d’un dépassement de soi, de l’accès à la grandeur impersonnelle des sommets. Cet esprit qui me plaît tant, je l’ai retrouvé chez le photographe Vincent Munier, que j’ai suivi sur les traces de la panthère des neiges. Après avoir reconnu chez lui une science incroyable de la psychologie et du comportement animal, je me suis rendu compte qu’il était capable, lors de l’affût, de mettre entre parenthèses ses sensations : sur les hauts plateaux du Tibet, le mercure descendait à - 30 °C, mais lui restait paisiblement allongé sur des pierres. Pourquoi ? Pour ramener une photo. Se mettre à l’épreuve pour décrocher une timbale dérisoire, je trouve ça digne d’estime. C’est peut-être le propre de l’homme, après le langage.

 

Vous admirez de la même façon Aurore Asso, apnéiste française qui détient le record du monde d’apnée sous la banquise.

Non seulement je l’admire, mais j’aime assister à ses entraînements, la voir à l’œuvre. Je me rends régulièrement dans la rade de Villefranche-sur-Mer, où elle pratique son art. La mer y est calme et subitement très profonde. J’ai toujours un pincement au cœur quand je la vois disparaître dans l’abîme, j’ai peur qu’elle ne remonte pas. Mais elle s’enfonce à 40 mètres tout aussi simplement que d’autres vont faire un jogging. L’apnée, comme l’alpinisme, conduit l’humain là où il n’a pas à se trouver, sous l’eau, sur les cimes glacées.

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