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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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(cc) Melimama / Wikimedia Common

Une GPA “éthique” est-elle possible?

Cédric Enjalbert publié le 06 août 2014 4 min
Un fait-divers dramatique ravive en France le débat sur la gestation pour autrui.

À la une des journaux du monde entier, l'expérience malheureuse de la Thaïlandaise Pattharamon Janbua avive le débat sur la gestation pour autrui (GPA). La jeune femme a donné naissance à des jumeaux qu’elle a porté contre 11 000 euros pour un couple d’Australiens. Mais, selon la mère porteuse, l’un des deux bébés, trisomique, aurait été abandonné par les parents biologiques. L'abandon d'un enfant malade, la mercantilité de l'acte et la pauvreté de la jeune gestatrice éveillent la solidarité internationale et déclenchent en France un vif débat.

 

Corps indisponible

Ce cas dramatique conforte les opposants français à la GPA, lesquels viennent de signer dans Libération un appel pour demander à François Hollande de se prononcer publiquement contre l’admission par le droit des contrats de mère porteuse. Cette tribune signée par de grands noms de la scène politique et intellectuelle s’inquiète de la marchandisation sinon de la mise en esclavage du corps des femmes, sous le joug de la misère, et des dérives d'un droit à l’enfant s'opposant au droit des enfants.

« Le contrat de mère porteuse est contraire au principe de respect de la personne, aussi bien celui de la femme, qui porte l’enfant commandé, que celui de l’enfant, commandé par une ou deux personnes, qui se développe dans le ventre de la “porteuse”, puis est livré. Les êtres humains ne sont pas des choses. »

Sylviane Agacinski, philosophe signataire de ce texte, affirmait déjà dans un dialogue qui l'opposait à Marcela Iacub dans Philosophie magazine en 2006 :

« La gestation pour autrui me gêne parce que le corps d’une femme n’est ni un objet, ni un outil, ni une machine, mais une personne. De ce point de vue, le droit a progressé vers l’idée que le corps est la personne même et que, par conséquent, on ne peut ni le torturer, ni le vendre, ni l’acheter. Dans Les Temps modernes, de Charlie Chaplin, la machine à faire manger l’ouvrier est à la fois drôle et pathétique, parce que manger n’est pas un travail, c’est la vie. C’est la même chose pour l’érotisme et la procréation. C’est pourquoi le corps doit rester indisponible. »

 

Ni vu ni connu

La publication de cette lettre ouverte au Président intervient après que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné le 26 juin la France pour n’avoir pas permis la transcription à l’état civil français de la filiation d’enfants nés de GPA, faites légalement à l’étranger. Elle intervient aussi après la remise d’un rapport rédigé par le groupe de recherche intitulé «Filiation, origines, parentalité», missionnée par la ministre déléguée à la Famille, dirigé par la sociologue Irène Théry et composé de 25 intellectuels, juristes, anthropologues, historiens, démographes, médecins, psychanalystes, philosophes... spécialistes du droit de la famille et des questions bioéthiques.

Irène Théry répond aux signataires de la lettre ouverte une explication détaillée et argumentée, où elle conteste le simplisme de leur vues. Elle les appelle non seulement à entendre le droit international mais aussi à la nuance, sinon à la raison. Exposant la complexité des situations et l’existence d’une « GPA éthique », elle souligne, une position qu’elle soutenait dans Philosophie magazine en 2007, que le risque d'une position simpliste, aveugle à la réalité des faits, est de maintenir le modèle qui prévaut encore en France du « ni vu ni connu »: « Jusqu’à présent, on a préféré ignorer ces situations, quitte à effacer sciemment toute une part de l’histoire de l’enfant. On faisait passer les couples receveurs (de dons d’engendrement, d’enfants adoptés) pour des couples engendreurs. Cet effacement a reporté sur les enfants eux-mêmes le drame d’une identité narrative impossible à construire. »

 

GPA éthique

Contre ce modèle irresponsable, elle invoque un contre-modèle fondé sur la valeur du don, impensée par

« tant de nos concitoyens, enfermés sans le savoir dans les rails du modèle bioéthique à la française. Car quel don d’engendrement, davantage que celui-ci, suppose de penser le sens et la valeur du don, de mesurer son implication pour la personne de la donneuse, de mettre au premier plan la qualité des relations donneurs - receveurs (relations que le droit bioéthique français se targue d’empêcher radicalement), de méditer les risques encourus et de s’en prémunir, de clarifier les places respectives de chacun, d’instituer en commun l’histoire de l’enfant, bref de faire avec résolution ce que nous nous refusons toujours à faire : donner place et sens dans notre société à l’engendrement avec tiers donneur ? »

Là se situe le véritable point obscur, le point d’impensé collectif sur lequel reposent tous les malentendus qui agitent la France sur la GPA depuis dix ans, à la stupeur bien souvent de nos proches voisins, tels les Belges ou les Anglais. »

Elle poursuit, interrogée par L'Express à propos du cas thaïlandais :

« Le problème lorsque l'on parle de GPA en France, est que l'on fait couramment des amalgames entre des situations les plus opposées au plan moral, juridique, légal, éthique et donc humain. Des cas affreux existent de par le monde, c'est indéniable, et ils doivent être combattus avec la plus grande énergie. Mais cela ne nous apprend rien sur les nombreux cas de GPA éthiques, qui existent aussi et que certains pays - comme aux Etats-Unis - encadrent très bien. »

Et que serait une GPA éthique?  Une GPA inscrite dans le respect de normes légales, impliquant la présence des parents d'intention auprès de la gestatrice tout au long de la grossesse, qui soit fondé sur le don bien pensé, cadré par un accord préalable prévoyant les situations extrêmes, comme l’avortement. Tout reste à construire.

 

Réalité

Mais, par delà les désaccords et la diversités des convictions, il demeure un impératif que rappelle utilement le rapport « Filiation, origines, parentalités »: ne pas laisser un impensé supplanter tout débat et réflexion au risque, sinon, de « se placer d’emblée à côté de la réalité ». Car la « question qui se pose n’est jamais d’être “pour” ou “contre” la GPA en général, ce qui n’aurait pas de sens, mais bien de se demander s’il est possible de donner les critères juridiques d’une GPA que l’on pourrait encadrer en conformité à nos valeurs fondamentales ou si cela est impossible ».

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