Vivre la condition divine

Jean-François Balaudé publié le 5 min

La position d’Épicure touchant le divin et la religion est d’abord à replacer dans le contexte du polythéisme antique. Dans les cités, les divinités sont omniprésentes. Les cultes et les sacrifices rendus aux nombreux dieux anthropomorphes rythment le quotidien. Mais elle est aussi à resituer dans le contexte philosophique. Depuis la recherche par les physiologues présocratiques, dès le début du Ve siècle avant Jésus-Christ, d’un principe-fondement de toutes choses désigné comme la nature (phusis), la pensée philosophique a moins visé à remettre en question l’existence du divin qu’à unifier le divin en lui conférant le statut d’un principe (archè). La recherche des causes est d’une certaine manière l’investigation de la nature du divin, de telle sorte que les philosophies antiques comprennent pour la plupart une théologie adossée à une critique de la religion populaire.

À cet égard, Épicure semble se singulariser. On pense souvent qu’il conjugue son « matérialisme » avec un athéisme, qui serait la conséquence des principes fondamentaux de sa philosophie. Or, s’il est vrai que les formes modernes de l’épicurisme tendent vers une forme de matérialisme athée, la position du fondateur, Épicure, est bien plus subtile. En effet, pas plus qu’il n’a été « matérialiste » au sens strict (il soutient que les deux seules natures constitutives de toutes choses sont les atomes et le vide), il n’a nié l’existence des dieux. Sa position, très originale sur la question de la religion et de la nature des dieux, se laisse décrire à partir de trois renversements successifs.

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À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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