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Société

Burn-out: un syndrome en mal de reconnaissance

Camélia Echchihab publié le 24 février 2016 4 min
La ministre de la Santé Marisol Touraine prévoit la mise en place d’un groupe de travail pour définir médicalement le burn out. Si les syndromes de cette “maladie du trop” sont bien identifiés, sa reconnaissance sociale et juridique demeure insuffisante.

Bientôt cinquante ans que le terme existe, et pourtant la réalité qu’il recouvre demeure mal définie : le burn-out toucherait en France entre 30 000 personnes, selon l’Institut de veille sanitaire (InVS), et trois millions, selon le cabinet spécialisé dans la prévention des risques professionnels Technologia. Il ne possède aucune définition officielle et ne compte donc pas parmi pas les maladies professionnelles reconnues.


Limites imprécises

La ministre de la Santé Marisol Touraine a donc annoncé dimanche 21 février la mise en place d’un groupe de travail pour « définir médicalement le burn-out et la manière de la traiter », suivant la recommandation de l’Académie nationale de médecine. Dans un rapport présenté le 16 février, l’institution appelle à mener des recherches pour préciser cette notion floue pour la science médicale, car « l’expansion du terme “burn-out” est une source de confusion en raison des limites imprécises de cette réalité ». Bref, avant de reconnaître l’épuisement comme « maladie professionnelle », encore faut-il la reconnaître comme maladie.

Le rapport précise que l’épuisement professionnel recouvre « une réalité mal définie, d’un état de détresse psychologique à un état pathologique de syndrome d’inadaptation à un facteur stressant chronique ». Le coauteur de cette étude, le psychiatre Patrick Légeron interrogé par le Magazine de la santé de France 5, le 22 février, souligne en outre une spécificité française : « ces concepts de burn-out ont été exclusivement gérés par le ministère du Travail. Le ministère de la Santé a été complètement absent à l’inverse d’autres pays. »

Le chantier lancé par la ministre de la Santé comble cette absence. Il répond aussi à une proposition de loi déposée le 17 février 2016, par le socialiste Benoît Hamon, qui n’est pas à son coup d’essai. L’an passé, le Parlement avait rejeté la proposition du député d’ajouter trois amendements pour la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle à la loi sur le dialogue social. Dans le texte présenté par le ministre du travail, finalement adopté en septembre 2015, figure néanmoins une avancée relative : « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladie d’origine professionnelle ».


Maladie du trop

Pour Benoît Hamon, l’enjeu désormais est de faciliter la procédure qui permet d’établir le lien entre une certaine souffrance psychologique et la pression vécue au travail. Car aujourd’hui, faute de critères réglementaires, la plupart des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle sont rejetées. La maladie doit ainsi entraîner une incapacité permanente de travail prévisible de plus de 25 %, et un lien « direct et essentiel » avec le travail doit être mis en évidence par un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), comme l’indique le journal officiel du Sénat.

Les 83 députés de gauche signataires de la proposition de loi souhaitent que toutes les demandes de reconnaissance soient examinées en levant le blocage du taux de 25 %. Ils espèrent de basculer la prise en charge du traitement du burn-out vers les entreprises responsables de la pression exercée sur leurs salariés, jusqu’ici assumé par l’Assurance maladie. Si ces pathologies étaient reconnues comme maladie professionnelle, elles seraient prises en charge par la branche « Accident du Travail — Maladie Professionnelle », financée majoritairement par les cotisations des employeurs. 


Réhabiliter le sens du travail

Selon le sociologue Pascal Chabot, l’épuisement professionnel est bien « la maladie du trop : trop de vitesse, d’objets, d’échanges et de combustion mentale et physique. Un trouble-miroir qui se place sous le signe du feu pour une société qui vit une combustion permanente. Les victimes de burn-out ne sont ni des paresseux ni des inadaptés. Ce sont les bons élèves, ceux qui s’investissent le plus, les plus idéalistes. » Mais le burn-out est aussi « une maladie de l’adaptation », poursuit-il. Notre société demande en permanence à ses membres de s’adapter. Et, certes, l’être humain possède une grande capacité plastique. Mais le problème est qu’on lui demande de s’adapter pour s’adapter. La finalité peut alors s’estomper et ne pas s’inscrire pas dans une perspective plus large, où la personne pourrait se réaliser. D’où l’impression de perte de sens. La victime de burn-out est prise en étau entre des contraintes professionnelles de plus en plus grandes, et des exigences morales qui vont dans un sens contraire. »

De ce constat, il est aisé de tirer la conclusion qu’il convient avant tout de concentrer son énergie à la prévention du burn-out en se penchant sur notre rapport au travail. Comment ? En intervenant auprès des entreprises pour rappeler que la loi actuelle rend le chef d’entreprise responsable de la préservation de la santé physique et mentale de ses salariés, et surtout en redonnant une finalité à notre activité contre un management pervers. Bref, à en croire philosophes, sociologues et psychanalystes, il est temps de réhabiliter le sens du travail plutôt que de miser sur l’évaluation des performances individuelles.

 

L’invention du burn-out
Pour Pascal Chabot, auteur de Global Burn-out : « La généalogie du concept de burn-out est passionnante. Le terme est inventé par le psychiatre américain Herbert J. Freudenberger dans les années 1970. Celui-ci travaillait à New York avec des toxicomanes, à qui le terme “burn-out”, une “consumation de l’intérieur”, était parfois appliqué. Mais, bientôt, Freudenberger s’est aperçu que le personnel soignant montrait lui aussi des signes d’épuisement émotionnel et mental : trop de travail, trop d’idéalisme, trop d’investissement. Les soignants de cette free clinic se sentaient vidés, exténués, incapables de récupérer. Ils en faisaient toujours plus, s’isolaient, niaient le malaise jusqu’à un phénomène de dépersonnalisation : attitudes cyniques, comportements autodestructeurs, profonde autodépréciation. Mais le terme de Freudenberger a une origine encore plus ancienne. Il apparaît dans le roman de Graham Greene, A Burnt-Out Case, écrit en 1961. Cette expression était utilisée dans les léproseries pour parler des cas où la maladie trouve un arrêt après qu’il y a eu perte des orteils et des doigts. En somme, le mal s’est tari, “consumé” : le patient est un burn-out case. Il a perdu, avant de guérir, tout ce qui est susceptible de se consumer. Ainsi le burn-out, maladie qui brûle tout de l’intérieur, est-il aussi le signe d’une guérison, d’un dépouillement, d’une libération. C’est toute son ambiguïté étonnante qui résonne avec la situation actuelle : à la fois syndrome d’épuisement et possibilité de changement. »

 

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