Hors-série "Foucault. Le courage d’être soi"

Édito : en riant

Sven Ortoli publié le 2 min

« Ce livre, écrit Michel Foucault dans la préface des Mots et les Choses, a son lieu de naissance dans un texte
de Borges. Dans le rire qui secoue à sa lecture toutes les familiarités de la pensée. »
Ceux qui l’ont connu en témoignent : sonore et joyeux, le rire de Foucault célébrait la surprise ; philosopher, dit Foucault, c’est « penser autrement qu’on pense ». Et il ne s’en est pas privé.
 

Au « Jouir sans entraves » de 68, il réplique d’un « Ras-le-bol avec le sexe » moqueur en 1977. L’épouvantail d’un Big Brother au sommet de la pyramide totalitaire l’intéresse moins que l’apparition de l’autosurveillance et de cette transformation du vivant qu’il appelle d’une expression appelée à durer : le biopouvoir.
 

Et avec cela, non seulement il pense, mais il fait. Ou plus exactement, il fait puis il pense. Il travaille à l’hôpital Sainte-Anne, il se rend à la prison de Fresnes. Il va au charbon en somme et enjoint les intellectuels, Sartre en tête, de renoncer à « leur vieille fonction prophétique » et de passer de l’universel au spécifique en œuvrant sur un terrain familier.
Un conseil qu’il ne suivra pas lorsqu’il se rendra dans l’Iran de l’ayatollah Khomeyni…


« Quant au motif qui m’a poussé, récapitule Foucault, il est fort simple, c’est la curiosité. » Une curiosité dirigée vers l’idée de vérité. Même si l’on ne sait pas bien ce qui l’emporte, chez lui, du défenseur de l’idée qu’il n’y a que des « jeux de vérité », ou du professeur qui, deux mois avant sa mort, consacre son dernier cours à la mort de Socrate et au « courage de la vérité ».
 

Mais Foucault a anticipé cette critique : « Il faut se déprendre de ces mécanismes illusoires qui font apparaître deux côtés. » Quiconque veut puiser dans son œuvre doit accepter en préambule que cet homme qui a été étiqueté structuraliste, relativiste, bourgeois, marxiste ou néolibéral, est avant tout un sceptique. Et que dans ladite œuvre on ne trouve pas tant des vérités qu’une « boîte à outils ». À lire Elsa Dorlin sur la fécondité de la généalogie foucaldienne dans les gender studies ou Antoinette Rouvroy sur la production de savoir dans le monde des Big Data, on comprend que le vœu de Foucault a été exaucé, et il doit s’en réjouir : « Je ne suis pas là où vous me guettez mais ici d’où je vous regarde en riant. »

 

Expresso : les parcours interactifs
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