Hommage à Jean Laplanche

Cédric Enjalbert publié le 2 min
L’éminent psychanalyste Jean Laplanche est mort, dimanche 6 mai 2012, à l’âge de 87 ans. Il supervisait la traduction des Œuvres complètes de Freud depuis les années quatre-vingt.

Philosophe hégélien formé par Jean Hyppolite, Gaston Bachelard et Maurice Merleau-Ponty, il entreprend des études médicales et devient psychiatre sur les conseils de Jacques Lacan, un maître et mentor. Son analyste aussi. Il s’en démarque, fonde peu après l’Association Psychanalytique de France, en 1964, et se retourne vers Freud, dont il débute la traduction avec son collègue Jean-Bertrand Pontalis. À quatre mains, ils conçoivent le Vocabulaire de la psychanalyse (1967), best-seller traduit dans une quinzaine de langues.

La traduction sera au cœur de son travail : non seulement parce qu’il est l’instigateur de la titanesque édition des Œuvres complètes de Freud aux PUF, mais aussi parce qu’elle fonde sa lecture renouvelée de l’œuvre du maître viennois, qu’il estime « géniale » mais « fourvoyée ». Fourvoyée ? Oui, car truffée d’aspects « biologisants ». Introducteur de l’enseignement de la psychanalyse à l’université, Jean Laplanche s’attellera ainsi à distinguer le biologique, du physiologique, du linguistique, dont il use de façon clinique.

Il expose ces Nouveaux fondements pour la psychanalyse, en 1987. Ces derniers posent en outre la théorie de la « séduction généralisée » : « Au tout début, Freud avait découvert ce qu’il appelait la théorie de la séduction restreinte, c’est-à-dire la fonction de l’autre, adulte, dans la naissance de l’inconscient de l’enfant et il l’a jetée par la fenêtre à un moment. [] Je pense que l’inconscient vient de l’autre. L’inconscient chez le petit enfant vient de l’adulte, forcément traversé par sa propre sexualité. C’est l’étranger en soi » confie-t-il en janvier 2010 à Libération, venu à sa rencontre dans son château bourguignon. Il y organisait des vidéoconférences pour mener à bien la traduction en cours. Des séminaires entre psychiatres et psychanalystes s’y tenaient encore, avec vue sur le domaine familial de Pommard, un nectar qu’il a longtemps lui-même cultivé… et dont il n’a cessé de partager le goût avec Lacan.

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