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Le cône cardiaque d’un embryon de poisson-zèbre (Danio rerio) au moment du premier battement de cœur. © Bill Jia

Biologie

Le premier battement de cœur

Octave Larmagnac-Matheron publié le 02 octobre 2023 3 min

Une équipe de chercheurs de l’université Harvard (États-Unis) est parvenue à identifier le premier battement du cœur en formation d’un poisson-zèbre. Pourquoi cette découverte scientifique nous émeut-elle ? La réponse de Merleau-Ponty.

 

  • Pourquoi sommes-nous si touchés par ce premier battement d’un cœur en devenir qu’une équipe américaine est parvenue à identifier en étudiant l’embryogenèse du poisson-zèbre ? Peut-être croyons-nous assister à cette venue au monde d’un vivant, qui précède toujours sa naissance. Certes, l’embryon vit avant ce premier battement. Ses cellules accomplissent leur métabolisme. Mais le corps qu’elles forment a par bien des aspects l’allure impersonnelle d’un agrégat disparate de chair. Le premier battement de cœur, au contraire, semble réaliser l’unité singulière d’un vivant émergeant. Cette pulsation est toujours ma pulsation. Et si, physiologiquement, elle provient manifestement de quelque part, elle se réverbère en réalité dans l’ensemble du corps, comme une signature rythmique. « Le battement du cœur se fait sentir jusqu’à la périphérie du corps », dit Maurice Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception (1945). La pulsation régulière anime la chair liée à la centralité d’un foyer, où la personne se devine.
  • Rassemblé par cette unique vibration, le corps l’est également dans le temps, comme le montre Merleau-Ponty : « L’unité et l’individualité de chaque vague temporelle », de chaque vivant, « n’est possible que si elle est pressée entre la précédente et la suivante, et si la même pulsation temporelle qui la fait jaillir retient encore la précédente et tient d’avance la suivante ». La palpitation du cœur n’est pas une succession géométrique d’instants disjoints, de systole et de diastole. Elle est une durée où le mouvement présent retient le passé et annonce l’avenir.
  • Cette rythmique où s’annonce mon individualité, cependant, est en même temps une forme de dépossession. Le mot même de « battement » indique une violence, une fêlure. Car ce mouvement que me fait advenir à moi n’est pas de mon fait : « Je ne suis pas l’auteur du temps, pas plus que des battements de mon cœur, ce n’est pas moi qui prends l’initiative de la temporalisation, je n’ai pas choisi de naître, et, une fois que je suis né, le temps fuse à travers moi, quoi que je fasse », écrit encore Merleau-Ponty. Mon être m’est donné. Mais cette pulsation rythmique qui me sous-tend intimement lézarde d’emblée mon identité.
  • Ce fond de passivité charnelle qui me rend possible, pourtant, n’est pas une négation de moi-même. « Ce jaillissement du temps […] m’arrache à ce que j’allais être, mais me donne en même temps le moyen de me saisir à distance et de me réaliser comme moi. » Et il vibre à l’unisson de toutes les choses autour de moi faites de la même « chair du monde », issues d’une provenance commune. « Mon corps, toujours présent pour moi, et pourtant engagé au milieu d’eux par tant de rapports objectifs, les maintient en coexistence avec lui et fait battre en tous la pulsation de sa durée », dit Merleau-Ponty. Le battement du cœur est à la fois la source la plus intime et ce qui me met en relation avec le monde : « Parce qu’il peut se fermer au monde, mon corps est aussi ce qui m’ouvre au monde et m’y met en situation. Le mouvement de l’existence vers autrui, vers l’avenir, vers le monde peut reprendre comme un fleuve dégèle. » Le corps palpitant, de ce point de vue, « peut symboliser l’existence » dans toutes ses alternances rythmiques. « Il la réalise et […] il en est l’actualité. »
  • Comme le souligne le peintre Paul Klee dans une conférence donnée à Iéna en 1924, « chacun marchera vers le but que les battements de son cœurs lui désignent […] Notre cœur bat pour nous amener vers les profondeurs du Fond primordial », vers un centre invisible qui nous relie aux choses. C’est pour cette raison que saisir le premier battement de cœur d’un poisson-zèbre est si émouvant.
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