Michel Eltchaninoff : “Nous refusons de voir que le récit fantasmagorique du Kremlin vise l’Occident”
« Face à la guerre » : notre édition spéciale consacrée à l’Ukraine est disponible chez votre marchand de journaux et en librairie. Dix philosophes livrent leurs pensées sur le conflit, son évolution et la possibilité d'une sortie de crise. Des textes courts et incisifs, pour tenter de donner du sens à ce qui semblait encore impensable, il y a quelques mois.

Illustration : © William L. pour PM
Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’analyse du philosophe Michel Eltchaninoff, rédacteur en chef de Philosophie magazine et auteur, notamment, du livre Dans la tête de Vladimir Poutine (Solin-Actes Sud, nouvelle édition augmentée mars 2022). Russophone, Michel Eltchaninoff suit depuis des années les discours du président russe et l’imaginaire agressif véhiculé par le Kremlin. L’affrontement entre la Russie et l’Occident « est une réalité d’autant plus cruelle que nous avons obstinément refusé de la voir venir », regrette-t-il.
Michel Eltchaninoff : de l’art (dangereux) de se raconter des histoires
Une amie de Kiev essayait récemment de me faire comprendre l’effondrement existentiel que la guerre provoquait en elle : « L’école de musique où j’allais chaque semaine, enfant, pendant huit années, n’existe plus. Elle a été bombardée. Un garçon qui était dans la même classe que moi vient d’être tué. La guerre se rapproche de ma vie. » Ce sentiment de fragilité, d’angoisse, de colère, d’impuissance concerne au premier chef les Ukrainiens, tués ou chassés de chez eux. Ils ont beau le combattre par l’action, chacun à sa place – à lutter, à aider, à informer –, la conscience de l’écroulement des vies, des lieux, des projets, constitue la réalité première de la guerre. Elle touche les Bélarusses, embarqués de force dans ce conflit qu’ils n’ont pas voulu. Elle concerne les Russes opposés à la guerre, qui sont réprimés, se taisent ou fuient leur pays. Elle menace les habitants des pays voisins – Moldaves, Géorgiens, Lituaniens, Estoniens, Lettons, Polonais –, dont les parents se souviennent encore de la domination soviétique. Elle s’étend à nous tous, qui découvrons, ébahis, la possibilité de l’anéantissement. J’ai vécu plusieurs années à Moscou, je suis familier de Kiev, qui était en train de se transformer en magnétique capitale européenne. J’ai des amis en Ukraine, au Bélarus et en Russie. Tout un pan de mon existence, liée à la culture russe, s’affaisse donc également. Les textes et les paroles de cette Europe orientale, qui me paraissent si essentiels pour comprendre qui nous sommes, nous les Européens, s’effacent brusquement pour laisser place aux cris de terreurs et aux larmes des Ukrainiens assassinés.
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