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Le président des États-Unis Joe Biden devant le Congrès, à Washington DC, le 28 avril 2021. Derrière lui, la vice-présidente Kamala Harris (à gauche) et Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants (à droite). © Jim Watson/Poll/Sipa

États-Unis / Économie

Pas de ruissellement pour Joe Biden

Octave Larmagnac-Matheron publié le 03 juin 2021 3 min

C’est un classique du débat politico-économique, et le président américain vient de lui faire un sort. Mais d’où vient cette idée ? Et que dit-elle de notre conception de la société ?

 

« La théorie économique du ruissellement, ça n’a jamais marché. Il est temps de faire croître l’économie à partir du bas et du milieu » : c’est sur ces mots, prononcés lors d’un discours devant le Congrès le 28 avril, que Joe Biden a conclu ses cent premiers jours comme président. Cent jours marqués par un plan de relance de 1 900 milliards de dollars, bien étranger au consensus libéral qui caractérise la politique outre-Atlantique. Et Biden enfonce le clou, en discréditant un poncif du débat économique américain : le « ruissellement ». 

Si le terme apparaît en 1944 aux États-Unis, l’idée est plus ancienne. Dès 1896, William Jennings Bryan, candidat démocrate à la présidentielle, dénonce ses adversaires en les accusant de croire que « si on légifère simplement pour laisser prospérer les plus riches, leur prospérité retombera sur ceux en dessous ». Tel est le principe supposé du ruissellement : l’enrichissement des plus aisés rejaillirait indirectement sur les plus modestes, parce qu’il serait réinvesti dans l’économie. Plutôt que d’aider directement les plus modestes, l’État devrait donc se concentrer sur des réductions d’impôts pour les entreprises. La redistribution (partielle) de la richesse s’effectuerait seule, sans intervention. Cette théorie a rencontré un grand succès dans les années 1980, lors du tournant néolibéral de l’économie mondiale incarné par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Mais elle suscite également de vives critiques, taxée d’être non scientifique et en contradiction avec les observations empiriques, qui montrent qu’une partie de l’excédent monétaire n’est pas réinvestie mais épargnée. 

Ces débats recoupent en fait une querelle classique en philosophie sociale et politique. Le philosophe néerlandais Bernard Mandeville est l’un des premiers à défendre le ruissellement. Dans La Fable des abeilles (1714), il décrit de façon allégorique une ruche où chacun poursuit son intérêt personnel par tous les moyens possibles, y compris les plus immoraux. Et il aboutit à la conclusion que « le luxe fastueux occup[e] des millions de pauvres ». Car dans la ruche du vice, « les extravagances dans le manger et dans la diversité de mets, la somptuosité dans les équipages et dans les ameublements, malgré leur ridicule, faisaient la meilleure partie du négoce » : la consommation des nantis stimule de toutes parts l’économie et le commerce. Elle permet in fine le bonheur du plus grand nombre et bénéficie donc à la société dans son ensemble. Cette idée d’une prospérité économique générée par le haut aura une grande influence sur le développement du libéralisme économique, jusqu’à Friedrich Hayek qui, inspiré par Mandeville, défendra l’idée d’un « ordre spontané ». 

Cependant, ces conclusions ne sont pas partagées par tous. Dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1937), John Maynard Keynes, fin lecteur de Mandeville, oppose justement à cette approche par le haut, par l’offre, une autre, par le bas. À ses yeux, c’est la demande, la consommation, qui tire l’économie, et c’est sur elle qu’il faut miser. Problème : les plus fortunés sont réticents à réinjecter leur richesse, et cette concentration paralyse l’économie, car « une faible propension à consommer, loin de stimuler le développement du capital, ne fait que le contrarier ». Il revient donc à l’État de rebattre les cartes, en favorisant la redistribution et en débarrassant l’individualisme de « ses défauts et de ses excès ». « L’élargissement des fonctions de l’État, nécessaire à l’ajustement réciproque de la propension à consommer et de l’incitation à investir » apparaît à Keynes « comme le seul moyen d’éviter une complète destruction des institutions économiques actuelles et comme la condition d’un heureux exercice de l’initiative individuelle ».

Joe Biden invite désormais à « faire croître l’économie à partir du bas et du milieu » et ambitionne de modérer le libre jeu des forces économiques. Il renoue ainsi avec l’approche keynesienne qui, au contraire de l’ultra-libéralisme, accorde une place de choix à l’État, chargé de canaliser des flux monétaires vers les zones arides où ils ne coulent pas spontanément.

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