Prennent-ils les hommes pour des souris de laboratoire ?

Stéphane Dunand publié le 7 min

Selon un préjugé répandu, les Américains seraient des comportementalistes, négligeant ce qui fait la valeur de l’être humain, à savoir sa libre conscience. Une idée reçue qui masque la richesse de leur débat sur la notion d’esprit.

Vous vous demandez comment indiquer votre destination à un taxi en espagnol ? Comment réagir le jour où vous découvrez que votre frère est homosexuel ? Où placer vos mains pendant votre premier baiser ? Les réponses à toutes ces questions et à bien d’autres se trouvent sur eHow.com. Aux États-Unis, nombreux sont les sites pareils à celui-ci – comme HowCast, WonderHowto, ExpertVillage… – qui proposent des modes d’emploi pour affronter toutes les circonstances de l’existence, vidéos téléchargeables à l’appui. Une vogue qui ne manquera pas de nous faire sourire. Comme ils sont naïfs, ces Américains, n’est-ce pas ? Ils s’imaginent qu’il y a une solution adaptée à toutes les difficultés pratiques ou sentimentales, que la vie n’est qu’une affaire de recettes de cuisine... S’ils ont des comportements tellement stéréotypés, c’est, dit-on, qu’ils ont la passion du conditionnement.

Une passion dont témoignerait, entre autres, leur pratique de la psychologie. Si les États-Unis ont importé la psychanalyse, ils l’ont aussi transformée, en infléchissant le protocole de la cure imaginée par Sigmund Freud. L’analyste y adopte une posture plus interventionniste qu’en Europe et peut à l’occasion vous conseiller quand vous devez prendre une décision importante. De plus, à la lente exploration de l’inconscient, les Américains ont tendance à préférer des thérapies comportementales et cognitives (TCC), qui visent à supprimer les angoisses et les phobies de l’individu en l’aidant à s’adapter à son milieu. Elles misent sur le volontarisme du patient. Dans ce cas, le psychothérapeute lui fait franchement face et lui assigne, à la manière d’un sergent-instructeur ou d’un coach, des objectifs de progression à atteindre selon un calendrier précis. Une méthode qui provoque la colère des psychanalystes du Vieux Continent, parmi lesquels le véhément Jacques-Alain Miller, de l’École de la cause freudienne : « Voyez-vous, ce sont des dresseurs d’hommes, comme il y a des dresseurs d’ours, de chevaux ou d’otaries. Ayant triomphé dans le dressage animal, ils entreprennent de faire pareil avec les hommes. » Si la comparaison semble brutale, elle indique avant tout un véritable divorce dans la conception qu’on se fait de l’homme, de part et d’autre de l’Atlantique. Mais y a-t-il un sens à réduire le Nouveau Monde à un cirque où les hommes seraient des animaux de foire ?

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