« Quelle est la différence entre le désir et la volonté ? »
— Olivier
Risquons une distinction : le désir est riche de son vide quand la volonté est remplie d’elle-même. Le désir aime la complexité du réel quand la volonté ne veut que le forcer. La résistance du réel intéresse le désir quand elle rend folle la volonté. Le désir est la quête d’un astre perdu (desiderare en latin : « regretter l’absence de l’astre ») quand la volonté ne cherche qu’à atteindre un but. Le désir est fort de sa faiblesse quand la volonté est forte de sa force.
Bref : quand je désire, c’est un manque qui me constitue alors que, lorsque je veux, je suis plein de cette force qui me rend capable de déplacer des montagnes. Le désir convoque l’être tout entier quand la volonté est surtout articulée à la raison, soit parce qu’elle veut ce que la raison a indiqué comme bon (c’est la volonté morale kantienne), soit parce qu’elle veut au-delà des limites de la raison (c’est la volonté illimitée qui est, selon Descartes, ce par quoi l’homme est fils de Dieu). Mais quand je désire, c’est mon être tout entier qui se trouve appelé dans cette quête de mon « astre perdu » : l’éternité pour Platon, la reconnaissance pour Hegel, la plénitude intra-utérine pour Freud, etc. Voilà pourquoi le désir induit une relation à autrui bien plus forte que la volonté. Si je veux quelque chose très fort, autrui sera un obstacle ou un outil, un allié objectif parfois, le plus souvent un spectateur indifférent. Mais si je désire la même chose, alors c’est comme si je demandais à autrui de la désirer avec moi, comme si j’avais besoin qu’il valide l’objet de mon désir, comme si je l’invitais à m’accompagner dans ma quête, lui qui est comme moi à la recherche de son astre perdu. Au contraire, quand je veux très fort quelque chose, au lieu d’inviter autrui, je l’exclus souvent. Mon bras de fer avec le réel peut parfois le séduire ; il ne le concerne jamais vraiment. Vous l’avez remarqué, cher Olivier, je n’ai donné aucun exemple. C’est parce qu’on ne peut opposer des objets du désir à des buts de la volonté. Le même objet peut être désiré ou voulu : tout dépend du rapport que vous avez au réel, au monde, aux autres. Si vous êtes dans un rapport de force avec le réel, alors vous voulez cet objet. Et peu importe ce qu’en pensent les autres. De toute façon, « quand on veut on peut » ! Si vous êtes dans un rapport de respect du réel, de sa complexité et de son épaisseur, et en conséquence dans une demande inquiète adressée à autrui, alors vous désirez cet objet. Imaginez un être charmant en face de vous, Olivier. Vous vous interrogez sur la différence entre la volonté et le désir ? C’est la différence entre « je te veux » et « je te désire ».
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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