Quelle est la différence entre une idée et une opinion ?
Frédéric M
Dans le Philèbe, Platon fait dire à Socrate que « l’opinion est du genre du cri ». C’est l’impression qu’en effet nous ressentons parfois à l’écoute de certains « débats d’opinion » : une cacophonie au cœur de laquelle chacun y va de son « cri », exprime sa position non questionnée et révèle par là même, sans le plus souvent s’en rendre compte, la force du déterminisme qui le traverse plutôt que sa prétendue « pensée ». L’opinion, à l’instar du cri, relève alors selon Socrate de ce qui ne peut se contenir. L’analogie avec le cri nous conduit aussi à penser qu’il y a dans l’opinion quelque chose comme de la peur : peur d’être contredit, d’avoir tort, peur de la complexité, peur du débat. La manière dont nous « tenons » à notre opinion risque alors surtout de manifester combien nous échouons à penser véritablement : combien nous sommes déterminés par notre corps, notre enfance, notre milieu social… C’est alors, bien souvent, que nous sommes tentés d’invoquer, de manière, il faut l’avouer, assez comique, notre « liberté de penser ». Comment donc une opinion peut-elle devenir idée ? En prenant le risque d’être questionnée, débattue, argumentée. Une idée n’est pas simplement, comme l’écrivait Descartes, « dans la pensée » : elle est aussi le résultat du travail de la pensée. Rien à voir, dans ce cas, avec l’opinion. Pour avoir des idées, il faudrait commencer par douter de ses opinions. Voilà qui est séduisant. Mais les choses ne sont en fait pas si simples. Cette distinction entre idée et opinion est portée par une vision rationaliste, ou idéaliste, de la philosophie : les idées y témoignent de la vie de l’esprit, tandis que nos opinions nous enferment dans notre corps. Or, si nous développons, avec John Locke ou David Hume, une approche empiriste de la philosophie, les idées apparaissent sous un autre jour. Si tout vient de l’expérience, alors nos idées ne sont pas produites par un pur travail de l’esprit : elles sont, comme nos impressions ou perceptions, la manière dont le monde s’imprime sur ce que Locke nomme « la page blanche » de notre esprit. Hume ira même jusqu’à affirmer que les idées ne sont que des impressions vagues. La différence entre une idée et une opinion devient alors beaucoup moins nette. Et si je vous demande ce que vous en pensez, selon que vous vous rangez dans le camp des rationalistes ou dans celui des empiristes, il sera difficile de savoir si vous exprimez dans votre réponse une opinion ou une idée. Nous pouvons radicaliser le soupçon : même lorsqu’ils argumentent et théorisent, même lorsqu’ils élaborent des systèmes théoriques impressionnants, les plus grands philosophes n’expriment-ils pas encore leur opinion ?
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