Travailleurs en quête de sens
S’y investir un peu, beaucoup, pas du tout… À l’heure de la précarité, du chômage, de la fragmentation des carrières, on ne sait plus comment évaluer la « valeur travail ». Slogan électoral, nécessité vitale ou tremplin vers l’accomplissement de soi ?
Êtes-vous plus enthousiasmé par votre travail que par votre famille ? Emportez-vous du travail avec vous au lit ? en week-end ? en vacances ? Le travail est-il votre sujet de conversation favori ? Ce type de questions, disponible sur Internet (https://membres.lycos.fr/workanonymes/), vous permettra peut-être de savoir si vous devez consulter les Work anonymes, association créée en France sur le modèle américain des Alcooliques anonymes. Cette intiative prouve que le travail, dans les sociétés développées, ne va plus de soi. Il a perdu la massive évidence qu’on lui connaissait il y a encore vingt ans. Il pouvait être alors rude, épuisant, aliénant même, mais il n’était pas remis en cause. Dans une société moderne, libérale ou socialiste, le travail offrait à l’homme la possibilité de se réaliser. Aujourd’hui, un flou enveloppe jusqu’à nos perceptions les plus quotidiennes du travail (lire page 38) : nous nous en plaignons, mais sommes heureux d’en avoir ; nous le recherchons, mais en souffrons, parfois jusqu’à la dépression, voire au suicide ; nous l’aimons pour autre chose (argent, prestige, pouvoir, goût de la conquête, nouvelles amitiés, remède à l’ennui) mais aussi pour lui-même.
Malgré leur volonté de clarifier le sujet, les politiques ne nous aident guère. « Le travail est au centre de mon projet », affirmait Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle, tandis que Ségolène Royal proclamait : « Je réhabiliterai la valeur travail. » Une telle insistance est suspecte. Elle rappelle celle des couples séparés qui ne jurent que par la famille ou celle des rebelles qui veulent restaurer l’autorité. Avec ces messages, les politiques n’accordent aucun sens positif au travail. La logique d’une partie de la gauche consiste à en réduire le temps au profit d’une « vraie vie » consacrée aux loisirs. Celle de la droite vise à l’augmenter pour « gagner plus », c’est-à-dire pour autre chose que son intérêt propre. Enfin, l’apologie de l’effort et du mérite n’épuise pas sa réalité concrète. Outre une certaine peine, à laquelle on peut d’ailleurs refuser toute valeur morale, le travail transforme l’environnement, crée des objets, met les hommes en contact, déploie tout un monde humain.
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