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© Éditions du Seuil

Le livre du jour

Édouard Louis : comment le “je” devient un autre

Clara Degiovanni publié le 20 septembre 2021 4 min

Il ne supportait plus rien. Ni sa famille, ni son corps, ni sa voix, ni même son prénom. De sa tenue, en passant par son accent jusqu’à la manière de tenir sa fourchette : il a donc entrepris une immense métamorphose – aussi douloureuse que salutaire – pour parvenir à intégrer la bourgeoisie amiénoise, puis le monde intellectuel parisien. Dans  son nouveau livre Changer : méthode (Seuil), Eddy Bellegueule, devenu Édouard Louis, nous livre sans fard les secrets de cette transformation. Un manuel décapant à l’usage de ceux qui se demandent : « Comment et pourquoi devient-on un autre ? »

Changer de méthode… 

Par le rejet

Édouard Louis n’a pas eu le choix. Pour sortir d’une vie d’exclusions et d’insultes, il fallait changer. La honte d’être soi-même – un jeune homosexuel dans un univers viriliste et homophobe – est à l’origine de sa transformation. Isolé dans la cour de récréation et lors des parties de foot du mercredi après-midi, il commence dès l’enfance à dessiner les contours d’une identité alternative, d’un monde parallèle où il pourrait enfin exister sans le « goût d’acier et de sang » que les humiliations « laissent dans [la] bouche ». Sa volonté farouche de se distinguer de sa famille n’est pas une « trahison », comme on l’entend parfois à propos du parcours « des transfuges de classes » qui se sont éloignés de leur milieu pour intégrer le monde bourgeois. Ce nouveau livre montre bien que si Édouard Louis a physiquement et symboliquement quitté son monde, c’est avant tout pour survivre. 

Par la violence

C’est donc de la violence qu’est née sa transformation, et c’est bien souvent par la violence qu’elle s’est s’accomplie. Changer : méthode raconte le « travail de colonisation » et de « domestication » qu’Édouard Louis impose à son corps pour adopter la gestuelle, le phrasé et l’aisance de la bourgeoisie. La guerre contre celui qu’il a été, il la mène ainsi contre son dos voûté, contre le volume de son rire, l’inflexion de sa langue et même contre les muscles de sa bouche. Il en vient à se mépriser « quand une sonorité typique du Nord » s’inscrit dans ses mots, comme lorsqu’il dit « jane » au lieu de « jône ». À travers ces exemples d’une précision chirurgicale, Édouard Louis montre que le changement de classe est sonore, organique, au moins autant qu’intellectuel. 

Par les rencontres

Ce n’est pas par les livres et les idées qu’Édouard Louis est parvenu à opérer sa transformation, mais grâce à des rencontres. La plus marquante d’entre elles est celle d’Elena, une élève cultivée issue de la bourgeoisie amiénoise. Par elle et sa famille, il vit une série d’expériences décisives qui influenceront durablement sa trajectoire. Dans cet ouvrage, il raconte ces moments en termes sensoriels, évoquant « la texture des  dîners » passés dans la famille d’Elena avec « les bougies, la musique classique au loin dans la cuisine, les bouteilles de vins autour ». Même « le silence entre [les] phrases », lui semble alors « confortable et privilégié ». Édouard Louis montre ainsi que sa transformation n’a pas seulement été un acte de volonté, elle est aussi passée par la fréquentation assidue d’une certaine « esthétique de l’existence ». 

 

Mais faut-il forcement tout quitter pour se transformer ?

Si la violence de classe est une expérience vécue par de nombreuses personnes, « la méthode » ici exposée par Édouard Louis reste éminemment subjective. Car on peut parfois se transformer sans rompre : ni avec sa famille, ni avec son milieu d’origine. Le changement n’est pas forcément une « domestication » de soi, une violence infligée à soi et à son milieu. Il peut aussi être envisagé comme la cohabitation de plusieurs identités sociales formant un « moi » multiple. À ce titre, on peut regretter que le livre s’achève par la publication de l’ouvrage qui l’a révélé, En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014), soit avant l’annonce de la relaxe de Riadh B., l’homme qu’il avait accusé de viol dans son livre Histoire de la violence (Seuil, 2016). Cette remise en cause de sa parole, et le tapage médiatique qui s’en est suivi, l’ont-ils également transformé ? Et si oui, comment ?

 

Les métamorphoses peuvent être douces

C’est d’ailleurs parce qu’Edouard Louis garde quelque chose d’Eddy Bellegueule, qu’il est capable de s’émerveiller devant ce que les « bourgeois » tiennent pour acquis. « L’arrachement au passé » qu’il expose dans ce livre est donc aussi et en même temps un « voyage social » rappelant que le changement peut être aussi une (re)découverte perpétuelle de soi qui n’altère pas l’identité, mais l’enrichit. 

 

Changer : méthode, d’Édouard Louis, vient de paraître aux éditions du Seuil (336 p., 20 € en version papier, 14,99 € en version dématérialisée). Il est disponible sur le site de l’éditeur, ainsi que chez votre libraire.

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