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Kashgar, région autonome du Xīnjiāng (Chine). Ouïghours à un arrêt de bus, en juillet 2014 – date des premières persécutions recensées de cette minorité ethnique. © Kevin Frayer/Getty Images/AFP

Entretien

Jean-Louis Margolin : “La persécution des Ouïghours n’est pas un génocide au sens rigoureux du terme”

Jean-Louis Margolin, propos recueillis par Pierre Terraz publié le 08 février 2022 10 min

Alors que l’Assemblée nationale vient de reconnaître l’existence d’un génocide à l’encontre du peuple ouïghour, l’historien spécialiste de la Chine Jean-Louis Margolin, l’un des auteurs du Livre noir du communisme (Robert Laffont, 1997), explique pourquoi cette décision lui semble chimérique et hypocrite. Selon lui, les exactions commises relèveraient d’une violence de l’État chinois héritée du maoïsme que nous faisons mine d’ignorer depuis longtemps.

 

L’Assemblée nationale vient de reconnaître un “génocide” des Ouïghours, aussi qualifié de “crime contre l’humanité”. Que pensez-vous de cette décision ?

Jean-Louis Margolin : La notion de « crime contre l’humanité » entend que le crime, sur une base massive et préméditée, est dirigé vers des individus. C’est quelque chose d’envisageable concernant les Ouïghours, compte tenu du grand nombre de personnes emprisonnées, de l’étendue du travail forcé et des violences physiques relatées. La notion de « génocide », elle, concerne des groupes humains en tant que tels : on ne peut parler de génocide que si l’on arrive à prouver très clairement la volonté de détruire, en totalité ou en partie « substantielle », un groupe défini. Dans le cas des Arméniens, de la Shoah, il n’y a pas de doute : il y a eu une volonté de la part d’un pouvoir de détruire en totalité une population constituée. Mais dans le cas des Ouïghours, une volonté de destruction, même partielle, ne peut être soutenue sérieusement, compte tenu des preuves que nous avons à notre disposition, qu’elles tiennent aux instructions (y compris secrètes) des dirigeants chinois ou au constat de leurs actes. Ou alors, il s’agirait d’un génocide avec un nombre très faible de morts, ce qui serait totalement inédit : même les groupes militants ouïghours ne dénoncent aucun massacre.

“Le ‘crime contre l’humanité’ est quelque chose d’envisageable concernant les Ouïghours […] mais la notion de ‘génocide’ ne peut être soutenue sérieusement ; même les groupes militants ouïghours ne dénoncent aucun massacre” Jean-Louis Margolin

 

Justement, le nombre de morts n’est pas une donnée prise en compte dans la définition d’un génocide.

Juridiquement, c’est vrai. Mais en pratique, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’ONU en 1948, contient plusieurs ambiguïtés qui ont rendu son application délicate. La jurisprudence s’est imposée d’une interprétation restrictive, fondée sur la notion de massacre de très grande ampleur, commis sur une base ethnique, nationale ou religieuse. Les premières condamnations pour génocide datent seulement de la fin des années 1990, soit un demi-siècle après le vote de cette convention. Pour l’instant, n’ont été reconnus coupables de génocide que des responsables du meurtre des Tutsis au Rwanda, et du massacre des hommes musulmans de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine. Ce qui veut dire qu’aucun des bourreaux nazis eux-mêmes, arrêtés et jugés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’a été condamné pour génocide – et pas davantage les dirigeants Khmers rouges, pourtant jugés très récemment, qui en trois ans seulement ont détruit en profondeur certaines populations du Cambodge. Cela peut paraître difficile à entendre pour certains, mais la persécution des Ouïghours ne constitue pas un génocide, au sens qui s’est imposé depuis soixante-dix ans, que ce soit dans la justice internationale ou dans les travaux de la grande majorité des historiens, particulièrement en France. Cela ne signifie pas que des crimes très graves n’aient pas été commis à leur encontre.

 

De nombreux témoignages existent pourtant concernant les violences physiques (viols, tortures, travaux forcés…) commises à l’encontre des Ouïghours. Pensez-vous que nous manquons encore de données sur le sujet, ou bien que ces données sont trop subjectives ou militantes ?

À lire aussi : Ouïghours, un “ethnocide” ?
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