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Emmanuel Macron au Sommet des dirigeants européens à Bruxelles, le 11 décembre 2020. © Thierry Monasse/Pool/Anadolu Agency via AFP

Politique

Emmanuel Macron : “en même temps” ou en méli-mélo ?

Michel Eltchaninoff publié le 04 janvier 2021 4 min

L’entretien-fleuve qu’Emmanuel Macron a accordé à l’hebdomadaire L’Express le 22 décembre dernier confirme-t-il le glissement vers la droite de l’ancien ministre de François Hollande ? On pourrait le croire. Le président relance le débat sur l’identité nationale, défend le droit de l’intellectuel d’extrême-droite Charles Maurras à « exister », dénonce le sentiment « d’insécurité culturelle » qu’auraient fait naître les migrations, fustige l’extrême-gauche. En même temps, il proclame le droit de « pouvoir être pleinement français et cultiver une autre appartenance », critique une laïcité trop radicale et appelle à « un travail historique et mémoriel », « avec de nouvelles statues, de nouvelles appellations de rue » pour redonner leur place à la « pluralité ».

Le « en même temps » version 2021 donne le vertige ! Comment comprendre ce mouvement de balancier ? Les premières pages de l’entretien fournissent une clé : Emmanuel Macron est un disciple de Hegel, l’inventeur de la dialectique qui prétend articuler et dépasser les oppositions. Mais à quel moment la dialectique devient-elle un grand écart incohérent ?

 

  • Emmanuel Macron caractérise la France comme « un peuple de paradoxes ». « Perclus de passions contraires », les Français sont dans un « entre-deux permanent ». Ces « Gaulois réfractaires » détestent l’État et pourtant lui obéissent parfaitement, comme durant le premier confinement. C’est « cette espèce d’amour-haine » qui le caractérise. 
  • Le président n’utilise pas le terme de dialectique, mais l’idée centrale de la philosophie de Hegel est très présente : ce qui fait avancer toute chose, dans la nature comme dans l’histoire, est une série d’oppositions qui se succèdent et s’articulent dans un processus qui a sa direction et sa cohérence, même si elle passe par le conflit. Dans la Phénoménologie de l’esprit (1807), Hegel retrace cette « odyssée de la conscience ». Elle s’incarne en étapes qui se nient les unes les autres, mais s’interpénètrent et aboutissent à des dépassements féconds. C’est ce qu’Emmanuel Macron appelle ici une « tension créatrice ». Il en donne un exemple en affirmant que François Mitterrand a « tenté de dépasser » le « doute existentiel » qui s’est emparé des Français dans les années 1980 par « le rêve européen ». La construction européenne nie l’identité française en la dépassant, mais lui permet paradoxalement de la retrouver en la hissant à un niveau politique supérieur. Ainsi, selon le président français, « le doute peut être moteur de progrès ». 
  • Comment, aujourd’hui, articuler et dépasser les tensions que connaît la société française autour de l’interrogation sur son identité et son passé, autour de la parole de l’État et des scientifiques ? On voit bien que le président, qui avait promis de « réconcilier les Français », est débordé par les divisions entre Gilets jaunes et anti-Gilets jaunes, partisans des policiers et défenseurs des victimes de violences policières, adeptes et adversaires du déboulonnage de statues, pro et anti-vaccins, laïcs et moins laïcs… C’est pourquoi, au lieu de prendre le parti d’un de ces camps, il leur donne à chacun des gages. Il tente le pari d’être le président qui reprend des éléments de pensée et de langage à Charles Maurras et défend à la fois les identités multiples. 
  • Mais comment dépasser ces contradictions ? Dans la dialectique de Hegel, il existe toujours un élément, ou un événement, représentant le troisième terme de la dialectique, la « négation de la négation » qui dépasse et à la fois conserve ce qui est nié. La Révolution française, explique Hegel, a renversé la monarchie au nom de l’idéal républicain. Puis Napoléon Ier a supprimé la république pour créer un empire. Mais en transformant la nation française en force conquérante, il poursuit, par une « ruse de la raison », dit Hegel, la mission de la révolution française – celle de faire souffler le vent de la liberté sur le monde entier. C’est pourquoi Napoléon, selon le philosophe, nie, dépasse, et conserve à la fois. 
  • Emmanuel Macron perçoit, lui, deux voies pour dépasser les divisions de la société et « retrouver le fil d’un destin français ». La première est l’action : c’est parce que « les Français savent que ce ne sont pas seulement des mots qui les réconcilieront, mais l’action ». Le paradoxe est que cet appel reste de l’ordre du discours. La seconde solution est « l’incarnation », car « à côté de l’idée, il faut une forme sensible ». Là encore, c’est une idée profondément hégélienne, car elle cherche à dépasser la dichotomie entre l’abstraction et le réel : « Tout ce qui est rationnel est réel, et tout ce qui est réel est rationnel », écrit le philosophe allemand. Le président français entend donc concilier un « attachement charnel » à la France, un « enracinement », et les valeurs républicaines universelles. Au fond, selon lui, c’est au président d’incarner cette union des opposés. Deuxième problème : « La réconciliation ne se décrète pas », admet-il lui-même. Et il est douteux qu’un président si violemment remis en cause par les Gilets jaunes, les grévistes, une partie de la jeunesse ou encore les adeptes de Didier Raoult, ait un jour une chance d’incarner « l’aventure française ».
  • Sans dépassement des oppositions, par l’action ou par l’incarnation, les propositions apparemment contradictoires ne s’articulent pas. Elles finissent même par former un tableau qui a davantage l’aspect d’un grand méli-mélo que d’une belle dialectique. Finalement, si l’on ne parvient pas à faire de la dialectique, ne vaut-il pas mieux trancher ?
La dialectique de Hegel expliquée par Catherine Malabou
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