Serge Sur : “Le droit humanitaire devrait être gravé dans la tête des soldats”
Que peut le droit face à la violence de la guerre ? Serge Sur, spécialiste de droit international, précise selon quelles règles un État peut réagir s’il est agressé.
Dans quel esprit le droit de la guerre a-t-il été formulé ?
Serge Sur : L’effort pour limiter la violence dans les relations internationales s’est d’abord traduit par l’idée que seuls les États avaient le droit d’employer la force. Ce monopole étatique visait à éviter toute guerre privée. Le second stade de la limitation du recours à la violence a été la distinction entre ce que l’on appelle le jus ad bellum et le jus in bello. Le jus ad bellum désigne le droit de recourir à la force, qui, normalement, était inconditionné pour les États. Le jus in bello, lui, concerne le degré de force que l’on peut employer, les règles d’humanité en quelque sorte. Ce qui est désormais dénommé « droit international humanitaire » s’applique à tous, agresseurs comme agressés.
Le jus ad bellum donne-t-il le droit à tous les États de déclarer la guerre ?
Non, il comporte plusieurs limites. Le Pacte de la Société des nations, puis la Charte des Nations unies ont cherché à le limiter. L’article 2 § 4 porte notamment sur la renonciation par les États à l’emploi de la menace ou de la force contre l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale de tout autre État. En fait, cette prohibition comporte des échappatoires. La première consiste pour le Conseil de sécurité à autoriser une action coercitive contre un État, comme en Libye en 2011. Deuxième échappatoire, la légitime défense : un État attaqué a le droit de se défendre jusqu’à ce que le Conseil de sécurité prenne les mesures nécessaires. Troisième échappatoire, un peu plus virtuelle : la responsabilité de protéger. En cas de massacres, d’atteintes graves et massives aux droits humanitaires, les États peuvent être amenés à intervenir pour les faire cesser : c’est ce que certains ont prétendu faire au Kosovo en 1999.
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