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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Les forces de l’ordre opèrent sur les lieux de la Robb Elementary School où 22 personnes, dont 19 enfants, ont été tuées le 24 mai 2022 à Uvalde, au Texas (États-Unis). © Jordan Vonderhaar/Getty Images/AFP

États-Unis

Tuerie d’Uvalde : “l’hypermodernité” du massacre d’innocents

Octave Larmagnac-Matheron publié le 25 mai 2022 3 min

22 morts, dont 19 enfants. C’est le bilan provisoire de la tuerie qui s’est déroulée dans une école primaire d’Uvalde, au Texas, mardi 24 mai. « Il y a eu plus de tueries de masse que de jours dans une année. Nos enfants vivent dans la peur à chaque fois qu’ils mettent les pieds à l’école car ils craignent d’être les prochains. […] Cela se produit dans notre pays et nulle part ailleurs », s’est emporté, quelques heures après la tuerie, le sénateur démocrate Chris Murphy. Les school shootings sont en effet nombreux, aux États-Unis.

Comment l’expliquer ? Éléments de réponse avec le philosophe et sociologue Jean Baudrillard, qui s’était exprimé après la tuerie de Columbine.

 

Jean Baudrillard fut le contemporain d’une des tueries scolaires les plus marquantes de l’histoire des États-Unis : la fusillade dans l’école secondaire de Columbine, en 1999. Quoiqu’il ne l’affirme pas directement, l’événement peut être réinscrit dans la réflexion sur la violence qu’il développe depuis le début des années 1990. Dans l’article paru dans Libération en 1995, « Le degré Xerox de la violence », il écrivait : « Au lieu de déplorer la résurgence d’une violence atavique, il faut voir que c’est notre modernité elle-même, notre hypermodernité, qui produit ce type de violence. » La violence, telle qu’elle a régné pendant des millénaires d’histoire, était une « violence déterminée » : « celle de l’agression, de l’oppression, du viol, du rapport de forces, de l’humiliation, de la spoliation – la violence unilatérale du plus fort [à] laquelle il peut être répondu par une violence contradictoire, violence historique, violence critique, violence du négatif. »

Le trait distinctif de l’hypermodernité, grande « simulation de quelque chose qui n’a jamais réellement existé » qui se substitue et oblitère le réel – dont les États-Unis sont, pour Baudrillard, la manifestation typique –, c’est qu’elle « ne laisse plus place à [cette] violence réelle ». Ce faisant, elle engendre un nouvel affect : « la haine », « déconnectée de son objet et de ses fins », sans « mesure », « née de l’indifférence ». Les auteurs de tueries scolaires n’ont aucune raison de massacrer des enfants, de s’attaquer au symbole même de l’innocence. Mais c’est précisément parce que leur geste n’a aucun sens, aucune raison, aucune cause, aucun mobile identifiable qu’il est commis.

Baudrillard revient allusivement sur la tuerie de Columbine dans la traduction anglaise de « L’Esprit du terrorisme » parue dans Harper’s en 2002. Il y ajoute une citation du journal d’Eric Harris, l’un des deux coauteurs de la tuerie : « Peut-être commencerons-nous une petite rébellion ou une révolution qui bousillera tout autant que nous le pouvons […] si [nous] survivons nous irons sur une île quelque part [ou] nous “crasherons” un avion dans NYC. » Peu de temps après le 11-Septembre, l’expression ne pouvait manquer de faire réagir Baudrillard : de Columbine à la destruction du World Trade Center, se déploie un même rêve, qui anime le terrorisme. Mais ce rêve lui paraît partagé : « Que nous ayons rêvé de cet événement, que tout le monde sans exception en ait rêvé, parce que nul ne peut ne pas rêver de la destruction de n’importe quelle puissance devenue à ce point hégémonique, cela est inacceptable pour la conscience morale occidentale, mais c’est pourtant un fait. » Le terrorisme, à commencer par celui qui s’en prend aux écoles, rêve de voir s’effondrer un « système » ; il rêve de la réinscription de l’insensé au cœur de la « puissance mondiale ».

« Le terrorisme est l’acte qui restitue une singularité irréductible au cœur d’un système d’échange généralisé » et anonyme. Le terrorisme – des écoles aux tours jumelles – n’a aucun objet déterminé parce qu’il vise la manière même dont le monde hypermoderne se configure désormais. Il est, pour Baudrillard, la conséquence inexorable d’un système qui s’efforce d’emprisonner le réel dans une totalité : celle de l’« hyperréalité simulée », qui n’admet aucune extériorité. « C’est très logiquement […] que la montée en puissance de la puissance exacerbe la volonté de la détruire. » Cette volonté est la « fracture interne » de « l’ordre définitif », ou qui voudrait se croire tel. Elle n’est pas le fait de quelques esprits malades. Ou plutôt : elle l’est pour autant que c’est ce qui conduit, dans bien des cas, au passage à l’acte. Mais le geste lui-même n’est pas possible, pas pensable indépendamment de l’hypermodernité qui, en raison même de son hégémonie, génère des « événements voyous » (rogue events) aussi imprévisibles qu’insensés.

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