Exposition Philippe de Champaigne, au Palais des Beaux-Arts des Lille du 26 avril au 23 juillet 2007

Visions extatiques

Michel Eltchaninoff publié le 5 min

La rétrospective lilloise offre une nouvelle image de ce peintre du XVIIe siècle. Son projet philosophique et artistique, intensément religieux, consiste à représenter la part de divinité en chaque homme. Conservateur du Palais des Beaux-Arts et commissaire de l’exposition, Alain Tapié nous éclaire sur le sens mystique de cette œuvre mal connue.

La recherche du Dieu caché. Sainte Face (1650)

Né en 1602 à Bruxelles, Philippe de Champaigne a reçu une formation artisanale, rigoureuse et ascétique, à la miniature et au paysage. Habitant sans doute dans le quartier des béguinages, ces communautés religieuses fort actives dans les Flandres et auxquelles appartenait sa sœur aînée, il a très tôt été habité d’un fort élan spirituel. « Cet homme sage et vertueux », comme le décrit son biographe, recueille pleinement les enjeux mystiques qui ont constitué la théologie vivante du début du XVIIe siècle venue des Flandres, du Rhin et de l’Espagne. Ces discussions ont fait la vitalité de ce qu’on appelle la Réforme catholique, pendant de la Réforme protestante.

En chemin vers l’Italie, le peintre s’arrête à Paris où il est adopté par la régente Marie de Médicis. Elle apprécie sa différence, son courage, son indépendance. Champaigne ne dirige pas d’atelier, n’est pas un peintre influent, refuse d’aller travailler chez Rubens. Chargé de décorer le Carmel du faubourg Saint-Jacques (aujourd’hui disparu), il fait preuve, tout en s’appuyant sur un réalisme populaire proche de la tradition flamande, d’une densité mystique d’une exceptionnelle exaltation retenue. Son style est habité par une obsession naissante qui ne cesse de conduire son œuvre : l’expression de la grâce. Dans cette quête plastique, l’artiste doit humaniser le divin et diviniser l’humain. C’est le problème fondamental, posé par Pascal, de rendre visible ce qui est invisible et invisible ce qui est visible.

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