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Éloge de la fuite (par temps de Covid)

Laurence Devillairs publié le 12 octobre 2020 3 min

Dans la nuit du 27 au 28 octobre 1910, Tolstoï, alors âgé de 82 ans, prend la fuite. Il rêve d'une autre vie, loin de sa femme, de sa famille, de son domaine et de ses habitudes. Cette fugue s’achève tristement, dans le froid glacial de la gare perdue d’Astapovo. Mais toutes les fuites ne finissent pas mal. Il y a au contraire du bon à vouloir prendre la tangente. Une sagesse, même : celle des anachorètes et autres ermites du désert, qui tournent le dos au monde et à ses tentations pour mieux le sauver et se sauver eux-mêmes.

 

Fuguer peut aussi être un art, celui auquel consentent les génies qui s’isolent pour mieux restituer le monde en phrases et en idées. Ce n’est pas la vie qu’alors on fuit, mais ses mondanités et ses futilités, tous ce small talk et ces soirées qui détournent de l’essentiel : « Le grand nombre d’amis et de parents que je ne pouvais me dispenser de voir dérobaient tout mon temps et mon loisir à ces études, qui font mon bonheur », enrage Descartes, pour qui la vraie vie est de philosopher, pas de se disperser.

Fuir pour trouver ailleurs du plus intense. Car Descartes le souligne, il ne fuit pas par peur mais par goût de la vie – une vie centrée sur ce qui compte, et non plus comme dérobée à elle-même : « Et ainsi pendant que vous n’aurez point de mes nouvelles, vous croirez toujours, s’il vous plaît, que je vis, que je suis sain, que je philosophe, et que je suis passionnément. »

Fuir également ce qui enracine pour s’offrir de la marge et du mouvement. Ne plus être arrimé à ce qu’on est mais se désencombrer de celui qu’on a fini par être, et qu’on est contraint de rester. C’est alors la tactique de Montaigne que l’on choisit d’adopter, cet art de la glisse qui permet de vivre sans s’appesantir : « Il faut un peu légèrement et superficiellement couler sur ce monde. Il faut glisser sur lui. » (Essais, III, chapitre 13)

Avoir une « arrière-boutique », ou mieux : un arrière-plan, une voie de repli. Ailleurs pour trouver la liberté. Fuir les assujettissements auxquels nous oblige la vie sociale, avec ses guerres de positions et de pouvoir : « Ce comportement de fuite sera le seul à permettre de demeurer normal par rapport à soi-même, aussi longtemps que la majorité des hommes qui se considèrent normaux tenteront sans succès […] à établir leur dominance, individuelle, de groupe, de classe… » En médecin, Henri Laborit insiste : « La mise en alerte de l’hypophyse et de la corticosurrénale, qui aboutit si elle dure à la pathologie viscérale des maladies dites “psychosomatiques”, est le fait des dominés, ou de ceux qui cherchent sans succès à établir leur dominance. » (Éloge de la fuite, Folio, Essais, 1976) Renoncer à l’emporter, pour ne pas « souffrir d’un ulcère à l’estomac, d’une impuissance sexuelle, d’une hypertension artérielle ou d’un de ces syndromes dépressifs si fréquents aujourd’hui. » Ne pas prendre au sérieux ce qui, au fond, est ridicule. Fuir. Mais est-ce encore possible ?

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