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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Dilemme

Flâner ou travailler ? Le match Rousseau-Kant

Ariane Nicolas publié le 10 novembre 2020 4 min

Allez, au télétravail ! Avec le reconfinement, l’imbrication du travail et du temps libre est de nouveau la norme pour les personnes pouvant télétravailler. Le travail à domicile chamboule nos agendas en décompartimentant nos vies : nous sommes à la fois toujours en train de travailler et jamais intégralement à notre tâche, puisque rode la tentation de faire autre chose pendant les heures dites de bureau (ouvrir le frigo, écouter un podcast, réceptionner un colis…). 

Cette fusion entre labeur et flânerie pose question. Elle crée à la fois une forme de soulagement – car nous sommes libérés d’un certain nombre de contraintes – mais aussi une confusion dans les préférences que nous devons afficher. Au fond, suis-je en train de travailler pour m’offrir quelques heures de bon temps, ou prends-je le soin d’aménager mon temps libre pour m’assurer des moments gratifiants et productifs au travail ? Dans quel sens la logique s’opère-t-elle ? 

Ce débat, deux philosophes l’ont eu à distance au XVIIIe siècle. D’un côté, Jean-Jacques Rousseau assure que le penchant naturel des humains est de ne rien faire, tandis qu’Emmanuel Kant affirme que sans travail, l’homme n’est rien ou presque. Et vous, quelle est votre position ? Découvrez-la, textes de ces deux philosophes à l’appui. 

La flânerie, passion humaine naturelle pour Rousseau

Si vous avez une légère tendance à vous laisser aller pendant vos heures de télétravail, sachez que Jean-Jacques Rousseau vous donne raison. Dans son Essai sur l’origine des langues, le philosophe estime que l’être humain a un goût inné pour l’oisiveté. Il ne craint pas l’ennui et aime au contraire naturellement flâner, voire ne rien faire du tout : 

« Il est inconcevable à quel point l'homme est naturellement paresseux. On dirait qu'il ne vit que pour dormir, végéter, rester immobile ; à peine peut-il se résoudre à se donner les mouvements nécessaires pour s'empêcher de mourir de faim. Rien ne maintient tant les sauvages dans l'amour de leur état que cette délicieuse indolence. Les passions qui rendent l'homme inquiet, prévoyant, actif, ne naissent que dans la société. Ne rien faire est la première et la plus forte passion de l'homme après celle de se conserver. Si l'on y regardait bien, l'on verrait que, même parmi nous, c'est pour parvenir au repos que chacun travaille : c'est encore la paresse qui nous rend laborieux. »

Que les indolents se rassurent : le travail est bien contre-nature pour Rousseau ! Il n’est qu’un moyen bassement matériel pour arriver revenir à un état antérieur jugé plus doux, et qui correspond à nos aspirations profondes. À méditer, lorsque vous serez tenté de vous concocter un goûter pantagruélique plutôt que de préparer la « confcall » tant redoutée depuis une semaine. 

 

Sans travail, l’homme dépérit, d’après Kant

Dans ce débat, on ne sera pas totalement étonné que Kant vienne un peu casser l’ambiance. Impossible pour lui d’imaginer que les êtres humains soient naturellement tentés de ne rien faire. Dans ses Réflexions sur l’éducation, le philosophe juge que le travail est non seulement un devoir, mais aussi un besoin, car il coupe court à l’ennui et nous contraint de façon bénéfique :

« L’homme est le seul animal qui doit travailler. […] L’homme, en effet, a besoin d’occupations et même de celles qui impliquent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que si Adam et Ève étaient demeurés au Paradis, ils n’auraient rien fait d’autre que d’être assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’ennui les eût torturés tout aussi bien que d’autres hommes dans une situation semblable. L’homme doit être occupé de telle manière qu’il soit rempli par le but qu’il a devant les yeux, si bien qu’il ne se sente plus lui-même et que le meilleur repos soit pour lui celui qui suit le travail. Ainsi l’enfant doit être habitué à travailler. »

Le travail fait partie des devoirs que les humains ont envers eux-mêmes, car il permet de valoriser les qualités innées des humains, qui leur sont propres, et de perfectionner leur nature. Kant ne nie pas que l’homme ait besoin de repos, mais il pense que seul le repos qui vient appuyer des phases de travail est réellement appréciable. 

 

Avec le télétravail, comment choisir son camp ? 

Lorsque nous nous déplaçons pour aller travailler, et que les deux activités sont bien compartimentées, la question de savoir quel segment de vie est au service de l’autre (« Je travaille pour flâner ? Je flâne pour travailler ? ») est relativement simple. Certains prennent plus de plaisir à aller travailler qu’à effectuer des tâches domestiques ou à pratiquer une activité sportive ; d’autres ne rêvent que d’une chose, pouvoir quitter le bureau à 18h01 et se lover dans leur tout nouveau canapé. 

Mais avec le télétravail, il semble plus difficile de choisir son camp. Les rousseauistes voient leur oisiveté parasitée par les e-mails et les visioconférences, tandis que les kantiens se sentent envahis par la pesanteur du foyer et ne peuvent se concentrer complètement sur leurs tâches. Si l’effacement de la frontière entre le travail et le loisir a des effets concrets sur nos vies, c’est aussi qu’elle rend plus difficile ce rapport à soi, selon lequel nous savons intimement pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Vivement le déconfinement !

Prolongez votre pause avec le débat Julia de Funès/Pierre-Michel Menger
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