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Intervention

Laurence Devillairs : Nicolas Bedos, Pompadour de la crise sanitaire

Laurence Devillairs publié le 25 septembre 2020 3 min

La révolte des masques a-t-elle commencé ? L’humoriste, acteur et cinéaste Nicolas Bedos appelle à respirer à pleins poumons l’air de la vie et à résister à l’injonction de porter un masque. Magnifique ode à la liberté ou délire irresponsable ? La philosophe Laurence Devillairs a tranché : le coup de gueule de Bedos est aussi vain et destructeur que le « après nous le déluge » attribué à la marquise de Pompadour en 1757.

Alors que la France vient de subir une sanglante défaite face aux armées prussiennes, la marquise de Pompadour, ne voulant pas interrompre la fête, se serait exclamé : « Après nous, le déluge. » Nous sommes en 1757. La révolution est pour demain. En 2020, Nicolas Bedos en appelle aussi à poursuivre la fête, à vivre « à fond », « quitte à en mourir ». Telle est la révolution proposée. Mais le mot d’ordre est exactement celui qui résonnait dans les salons de la marquise : « Après nous, le déluge. »

Certains verront dans cette sortie de Nicolas Bedos un cri de liberté, voire un appel à la désobéissance civile. Certains y souscriront, en réaffirmant, l’air sérieux et convaincu, qu’on nous cache tout, qu’on nous dit rien, qu’on nous assujettit, que le virus, on n’y croit pas. De fins analystes y décèleront une forme de nihilisme.

Mais les nihilistes de la Russie des années 1860 ne croyaient pas en rien, leur but n’était pas de vivre « quitte à en mourir », mais de mourir si la vie n’en valait pas la peine. Ce n’était pas des jouisseurs de Paris rive gauche mais de très arides utopistes d’au-delà de l’Oural. S’ils ne voulaient plus croire dans les grands principes qu’étaient le progrès, le libéralisme, l’aristocratie, ils ne renonçaient toutefois pas à la croyance en la liberté de l’esprit, et même en la science et en la technique. L’anarchiste révolutionnaire Bakounine le dit avec force : « La passion de la destruction est en même temps une passion créatrice. » Quelle est la passion créatrice de Nicolas Bedos et des antimasques ? C’est moins une passion qu’une opinion répandue, aussi insignifiante qu’empoisonnante, qui prétend que rien n’est vrai, que tout est mensonge et manipulation. Celle qui réduit la liberté à un caprice, le plaisir à la noce, et qui fait de la résistance un je-m’en-foutisme d’adolescent. 

Mais chez ces Pompadour du déluge, derrière le credo des antimasques, ces gens surinformés qui ne croient plus en l’information, il y a tout de même une réalité, ou plutôt le désarroi face à un vide : celui du politique. Si un humoriste peut se prendre pour Jean Moulin, ou des intellectuels s’inventer en Churchill du 13 mai 1940, c’est parce que le discours politique ne convainc pas, parce qu’il manque d’âme et de nerfs, parce qu’il a hésité, et qu’il échoue à anticiper. Ce n’est pas le verre à la main ou la fleur au fusil qu’on peut parler de liberté, de sécurité, de vie ou de mort ; c’est en réfléchissant sobrement sur ce que sont les libertés individuelles, sur ce que peut être leur réalité juridique au sein de cette crise sanitaire, qui, pour des raisons médicales, restreint nos mouvements et nos emportements. Mais l’exception française fait qu’on se passionne d’abord et qu’on explique ensuite. Et comme le gouvernement explique à tâtons, chacun y va de ses passions et de ses soi-disant combats. 

Le climat n’est pas à la peur mais au rendez-vous manqué : on est dans un moment politique exceptionnel mais le politique ânonne, cède trop volontiers la parole aux experts et ne fédère personne. La parole est laissée à qui réfute le plus fort, l’espace public est abandonné aux complotistes et aux autoproclamés francs-tireurs. Maintenant, plus que jamais, il faudrait réinventer le discours politique, celui qui rassemble et rassure certes, mais celui qu’anime aussi la « passion créatrice ». À la tentation des marquis du déluge, on conseillerait l’ouvrage de Jean Moulin, Premier Combat, on y voit ce qu’est un vrai résistant.

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