“Le Théâtre des émotions” : émois, émois et moi
Comment l'art représente-t-il nos passions et nos sentiments ? Réponse avec cette exposition coordonnée par l’historien de l’art Dominique Lobstein et le philosophe Georges Vigarello au musée Marmottan-Monet à Paris.
Nos émotions ne sont ni atemporelles ni des invariants de la nature humaine. Elles sont construites et font l’objet d’une histoire. Le musée Marmottan-Monet découvre ainsi l’étendue et la richesse de cette palette d’émotions depuis le XIVe siècle jusqu’en 1985, dans une exposition ciselée, coordonnée par l’historien de l’art Dominique Lobstein et le philosophe Georges Vigarello. Où l’on découvre, au terme d’un parcours ramassé réunissant des chefs-d’œuvre aux côtés de choix plus personnels, comment cet univers émotionnel, représenté par les arts, s’enrichit. « Les émotions, note Georges Vigarello, baignent dans une culture, elles suivent des habitudes, des mœurs, épousent leurs dynamiques, comme leurs transformations. Leurs catégories elles-mêmes se réinventent. » L’universitaire cite, par exemple, le Traité des passions de l’âme de Descartes, qui, en 1649, étudie les émotions premières et fait naître en Europe un intérêt pour le sujet… mais dont la liste s’est depuis étoffée et modifiée. « Les références de l’univers émotionnel changent, comme changent son sens et ses manifestations. » Reposant d’abord sur un univers codé d’objets symboliques – comme dans les portraits et les vanités du Moyen Âge –, les émotions possèdent même une iconologie, un catalogue pouvant « servir aux poètes, peintres et sculpteurs, pour représenter les vertus, les vices, les sentiments et les passions humaines ». Cependant, les visages figés se dérident progressivement. De nouveaux objets d’émotions apparaissent, les corps se tournent, présentent de nouvelles postures et gagnent en expression. Le Verrou de Fragonard marque un tournant : au XVIIIe siècle, l’affect entre dans le domaine de l’intimité, qui distingue un dehors et un dedans. Les passions deviennent des sentiments qui échappent au simple registre de la moralité ; elles s’intériorisent. Comme le montre avec acuité le peintre Louis-Léopold Boilly (photo), on différencie les physionomies. La singularité des individus devient un sujet pour l’artiste, ainsi que leur inscription dans le cosmos avec l’essor du romantisme qui exalte l’immensité intérieure et tout ce qui se trame « à l’arrière du front ». L’histoire se poursuit et se prolonge, alors que les affects deviennent un objet de science et d’explication... puis un sujet pour la psychanalyse. Après la guerre, les artistes ne se contentent plus de montrer une émotion : ils la suscitent, sans parfois même la représenter, comme Christian Boltanski dans l’installation qui clôt l’exposition. Il ne reste alors qu’à applaudir les textes et la scénographie de ce Théâtre des émotions, habilement mis en scène par Dominique Lobstein et Georges Vigarello !
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