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Mon Paris-Vézelay en mobylette

Michel Eltchaninoff publié le 02 mai 2023 3 min

Dans Une Histoire vraie (1999), David Lynch raconte l’odyssée d’un vieux monsieur à travers la campagne américaine en tondeuse auto-portée. Michel Eltchaninoff l’a imité en faisant un Paris-Vézelay sur son scooter 50 cm3, à petite vitesse. Drôle d’idée ? Peut-être. Mais voyage exaltant.

 

« Comme j’en avais assez de payer amende sur amende à Paris, où le stationnement des scooters est devenu payant, j’ai décidé d’emmener mon fidèle destrier à la campagne. Après avoir étudié mon trajet avec le sérieux d’un explorateur, pour emprunter les petites routes, je me suis lancé à 7 heures du matin samedi dernier sur ma petite Honda cabossée. Ayant quitté Paris endormi et la proche banlieue ensommeillée, je me suis trouvé en territoire inconnu : marché de Melun, voies rapides empruntées par mégarde, forêt de Fontainebleau et enfin la départementale 606, que j’allais suivre jusqu’à destination. Là, j’ai compris que ce gentil road trip ne serait pas une partie de plaisir. Bien décidé à ne m’arrêter qu’à Sens pour déjeuner face à la première cathédrale gothique de France, j’ai senti le froid me gagner et la position assise révéler quelques douloureux inconvénients. Mais le pire, c’était ma vitesse. Malheurs aux lents ! Comme je ne dépassais pas les 45 kilomètres/heure, les bolides me dépassaient en permanence. Je me suis même fait insulter par des énervés. Et si je terminais comme Camus, dont la voiture s’était écrasée contre un arbre sur cette même route, à Villeblevin ? Une mort absurde, vraiment, si près de Sens.

Peu à peu, le malconfort — torture médiévale décrite dans La Chute (1956) — a pourtant laissé place à une intense sensation de liberté. Même sur une route rectiligne, à vitesse constante, je me suis senti affranchi. De la vitesse, tout d’abord. Avec mon rythme de tondeuse à gazon lynchienne, l’Île-de-France a pris une nouvelle dimension. Réduits à une vaste zone périurbaine lorsqu’on les traverse en fonçant sur l’autoroute, les environs de Paris se déployaient en majesté, avec leurs villes royales, leurs fiefs et leurs diocèses. La lenteur a fait apparaître un territoire que j’ignorais, me contentant jusqu’alors de le franchir d’un coup. Je me suis également libéré du présent. Sur cette départementale bordée d’arbres, en croisant la maison d’un éclusier ou en prenant le temps de visiter quelques églises, je me suis un peu cru dans les années 1960, à l’époque des traversées vers le Midi pour les grandes vacances. Mais ce sentiment de liberté était surtout dû à ma désynchronisation. Sur mon destrier thermique, je ne roulais au rythme de personne d’autre. Après avoir souffert de n’appartenir ni au monde des piétons, ni à celui des voitures, je me suis mis à apprécier ma robinsonnade. Ces 250 kilomètres, je les ai parcourus à un rythme inédit. Et ça change tout, même si j’y ai mis presque dix heures.

Je suis alors passé de Camus à Husserl. Tout à son ambition de décrire le monde à nouveaux frais, en examinant la manière dont notre conscience se rapporte à ses perceptions, sa motricité, ses souvenirs ou ses images, le fondateur de la phénoménologie insiste sur la première étape qui permet d’y parvenir, et qu’il nomme la réduction. Pour “mettre entre parenthèses” notre rapport habituel aux choses, quitter cette “attitude naturelle” dans laquelle plus rien ne nous étonne vraiment, il faut porter un regard neuf sur ce qui nous entoure. Je peux en attester : parcourir un bout de France à moins de 50 kilomètres/heure, ça décale sec. Ni le temps, ni l’espace n’ont la même texture. Tout est nouveau, même ce que l’on croit déjà connaître. Voyager, au fond, n’est pas un problème de destination. C’est surtout une question de rythme. »

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