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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Liane Metzler/Unsplash

La grande question

Que devons-nous à nos parents ?

Timm Lewerenz publié le 13 juillet 2021 4 min

Nous ne serions pas grand-chose sans nos parents : nous leur devons notre éducation, notre survie jusqu’à l’âge adulte, et même notre venue au monde ! 

Mais avons-nous pour autant le devoir de rembourser (ou du moins, essayer de rembourser) tout ce qu’ils nous ont apporté ? La question divise les philosophes qui, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, oscillent entre les positions les plus opposés – du tout au rien, sans caricature. Découvrez les points de vue d’Aristote, de John Locke et de Joel Feinberg.

 

Aristote : on leur doit plus que nous ne pourrons jamais rembourser

Toute personne qui contracte un emprunt est investie d’une obligation : elle s’engage à rembourser le montant emprunté majoré des intérêts à une date convenue. Mais que devons-nous rendre à ceux qui « nous ont donné l’existence » ? Aristote pose cette question dans l’Éthique à Nicomaque, où il établit une analogie entre la relation parents-enfants et le lien créancier-débiteur. Qu’il s’agisse de l’éducation, des frais quotidiens ou simplement du temps consacré par les parents à leurs enfants jusque dans les moments les plus éprouvants de la rébellion pubertaire : nous sommes tous profondément endettés envers nos créanciers parentaux et, selon Aristote, « celui qui est endetté doit payer ». Mais sous quelle forme, en quelle devise devons-nous effectuer ce remboursement ? Et à quelle échéance ? Prendre en charge les frais liés à la vieillesse de nos aînés est un début. Mais l’argent seul ne suffit pas. Compte tenu des « plus grands avantages » – le don de l’existence et de l’éducation qu’ils nous ont dispensés –, les parents méritent la rétribution qui, normalement, revient surtout aux dieux : l’honneur. La relation entre les enfants et leurs parents ressemble à celle des « hommes avec les dieux ». Quand leur dette sera-t-elle donc réglée ? « Quoi qu’ils fassent », les descendants ne pourront pas « rendre les bienfaits qu’ils ont reçus, et ainsi ils resteront toujours endettés ». Les enfants doivent à leurs parents plus qu’ils ne pourront jamais rembourser. 

 

John Locke : on leur doit ce qu’ils méritent

Le « simple acte de procréation » n’exige aucune gratitude de la part de la progéniture. Mais c’est le cas pour certains avantages, comme l’éducation reçue, qui permet à l’enfant de devenir une personne libre. C’est ce que le philosophe anglais John Locke écrit dans son Traité sur le gouvernement civil (1689). Pour le penseur libéral, tout les hommes sont libres et égaux ; les enfants, cependant, ne naissent pas « dans » mais « pour » l’égalité. Jusqu’au moment où ils ont acquis la capacité d’exercer une libre maîtrise de soi, ils doivent donc se soumettre aux parents. Les « chaînes de la soumission sont comme les couches » dans lesquelles l’enfant est emmailloté : « L’âge et la raison les desserrent jusqu’à disparaître complètement, et laissent une personne qui peut librement disposer d’elle-même. » Plus d’obéissance. Cela ne signifie pas pour autant que l’enfant n’est plus responsable envers ses parents, car « la liberté ne vous libère pas de l’honneur que l’enfant doit à ses parents selon la loi de Dieu et de la nature ». Il convient donc aux enfants de soutenir leurs parents, par respect et gratitude, et de contribuer à leur bonheur du mieux qu’ils peuvent. Rien à voir avec un esclavage absolu, car, selon Locke, « l’honneur, le respect, la gratitude et le soutien sont une chose, l’obéissance et la soumission inconditionnelles en sont une autre ». 

 

Joel Feinberg : on ne leur doit rien, sinon la gratitude

Dans son article « Devoirs, droits et réclamations » (1966), le philosophe américain du droit et de la politique Joel Feinberg, spécialiste de la question de la responsabilité, explique que la dette envers un créancier n’a pas grand chose à voir avec le devoir de témoigner de la gratitude à un bienfaiteur. « Mes sentiments de gratitude ne ressemblent pas vraiment aux sentiments que j’éprouve envers un marchand qui me livre des marchandises avant que je les aie payées. » Ce que nous devons à nos aînés est bien différent d’un « paiement », car la gratitude n’est pas une monnaie. Plutôt que de dette, nous devrions plutôt parler, selon Feinberg, d’un « devoir de réponse », qui est une inclination naturelle : lorsque nous avions besoin de l’aide ou du soutien parental, il nous revenait, à nous seulement, de leur exprimer notre gratitude. Lorsque le vent tourne, lorsque c’est moi qui deviens en capacité d’aider, alors mes parents ont, à leur tour, « droit à mon aide » (ainsi que le droit de m’en vouloir si je ne les aide pas). Mais il ne s’agit pas d’une rétribution, seulement d’un changement de situation. L’enfant n’a rien à rembourser à proprement parler à ses parents. La relation parent-enfant n’a pas la forme d’une facture impayée. La seule chose que nos parents peuvent exiger de nous, c’est de montrer que nous leur sommes reconnaissants.

Traduit par Octave Larmagnac-Matheron
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