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Ella Emhoff au Met Gala 2021 à New York (États-Unis), le 13 septembre 2021. © Theo Wargo/Getty Images/AFP

La petite question

De quoi les cernes sont-ils le signe ?

Audrey Jougla publié le 19 novembre 2021 3 min

Montrer ses cernes serait-il tendance ? Depuis que certaines célébrités féminines arborent fièrement leurs poches sous les yeux, cette nouvelle mode ne manque pas d’interpeller. Sara Carstens, « influenceuse » de 19 ans aux millions d’abonnés sur TikTok et Instagram, en serait à l’origine par une vidéo où elle accentue ses cernes au crayon. La série Squid Game a aussi insisté sur ces marques, remarquées chez le personnage de l’actrice Jung Ho-yeon. Que signifient les cernes ? Et comment expliquer cet engouement pour des stigmates que l’on avait coutume de dissimuler ? Éclairage avec trois philosophes.

Avec Hume : le signe d’une relativité du goût

Que cette mode perdure ou qu’elle soit une lubie éphémère, elle nous apprend que le goût reste subjectif. Si la tendance des cernes surlignés fait couler de l’encre, c’est bien pour son renversement de défauts en qualités, que l’on trouve absurde ou drôle. La mode et son cortège de prescripteurs réitèrent ce que David Hume affirmait déjà dans De la norme du goût (1757) : « La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’esprit qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente […] Une personne peut même percevoir de la difformité là ou une autre perçoit de la beauté », et inversement. Proposition à l’origine de la motivation de Sara Carstens, qui a déclaré au New York Times vouloir normaliser ses cernes, qui la complexaient. Que ce changement d’appréciation soit initié par ce qu’on appelle aujourd’hui des « influenceurs » prouve en tout cas qu’ils dictent en partie nos jugements esthétiques.

  • Les cernes seraient donc d’abord le signe de la subjectivité de notre jugement de goût et des renversements possibles de celui-ci. Mais pourquoi avoir considéré les cernes comme un défaut ?

Avec Sénèque : le signe d’une vie mal réglée

Ni rides, ni cicatrices, les cernes ont une double spécificité : ils marquent notre fatigue plus que notre âge, et révèlent aussi notre style de vie. Est cerné celui qui manque de sommeil, à cause de la fête, ou par abus de travail, incapable de s’arrêter. « Reprends possession de toi-même : le temps qui jusqu’ici t’était ravi, ou dérobé, ou que tu laissais perdre, recueille et ménage-le », rappelle Sénèque dans sa première Lettre à Lucilius, sur l’emploi du temps. Les cernes témoignent ainsi d’une gestion du temps non optimale, un manque de soin. Nous n’accordons pas à notre corps le repos qu’il mérite, ou bien nous nous laissons déborder par les tâches quotidiennes, et les cernes nous le signifient. S’octroyer le repos que l’on se doit revient alors à reconquérir le temps : « Sois complètement maître de toutes tes heures. Tu dépendras moins de demain si tu t’assures bien d’aujourd’hui », conseille Sénèque.

  • Les cernes trahissent notre sensibilité aux normes de goût ainsi que notre style de vie. Seraient-elles au fond, une sorte de miroir de l’âme : l’expression de notre personnalité, et de notre affirmation de soi ?

Avec Nietzsche : le signe de notre singularité

Lorsque Ella Emhoff, mannequin et belle-fille de la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris, ou d’autres personnalités présentes au Gala du Met à New York, ornent leurs cernes de cristaux, elles revendiquent leur imperfection comme digne d’intérêt. Il ne s’agit plus de transformer un défaut en qualité, mais d’exhiber notre défaut pour assumer qui l’on est. Les cernes sont la marque de notre vécu, de nos épreuves traversées, réaffirmant le « Deviens ce que tu es ». Ce vers de Pindare repris par Nietzsche s’applique à nos cernes, qui nous renseignent sur notre identité, comme un indice dans notre devenir. Les accidents de la vie, le chagrin, le manque de sommeil qui creusent nos cernes, nous permettent aussi de nous constituer : « L’homme qui ne veut pas appartenir à la masse n’a qu’à cesser d’être indulgent à son propre égard ; qu’il suive sa conscience qui lui crie : ‘Sois toi-même !’ », écrit Nietzsche dans les Considérations inactuelles (1873-76). Assumer ses cernes met ainsi en évidence l’arbitraire des normes sociales, tout en soulignant l’audace nécessaire à celle ou celui qui veut s’en émanciper.

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