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Des ours polaires sur l’île de Kolioutchine, située entre la Russie et l'Alaska, en septembre 2021. Série de photos réalisées à l’aide d’un drone par le photographe russe Dmitry Kokh. © Dmitry Kokh

Un classique éclaire le présent

Les ours citadins

Octave Larmagnac-Matheron publié le 29 janvier 2022 3 min

C’est un spectacle curieux, et résolument secret, que le photographe russe Dmitry Kokh a capturé en s’aventurant au-delà du cercle polaire, aux confins des mondes arctiques, sur l’île Kolioutchine. Les villages septentrionaux abandonnés dans les années 1990 accueillent désormais de nouveaux locataires : des ours polaires ! Les uns se prélassent à l’entrée des petites maisons, les autres passent leur tête par d’étroites fenêtres. Les mammifères n’habitent pas, à proprement parler, les lieux. Ils sont sûrement de passage. Mais leur immixtion dans les ruines de la vie humaine produit un étrange sentiment de fascination. Explications bibliques.

 

  • Les ruines sont des lieux étranges. Dans la Bible déjà, les lieux de « dévastation » comme Babylone ou Édom (dans l’actuel désert du Néguev), où « aucun homme n’habitera plus », se repeuplent de mystérieuses créatures. C’est ce que raconte, en particulier, le Livre d’Isaïe : « Se reposeront là-bas des bêtes sauvages / Les maisons seront remplies de bruit. » La traduction de śǝ’îrîm (שע‬י‬רי‬‬ם) par « bêtes sauvages » est sans doute trop restrictive (voir ici, en anglais) : les śǝ’îrîm sont, bien plus encore, des « Mischwesen » (« chimères », en allemand), littéralement des « êtres de mélange », comme le souligne la théologienne Anna Angelini dans L’Imaginaire du démoniaque dans la Septante (Brill, 2021). Des hybrides, en somme, dont les formes mêmes sont innombrables : « Se reposeront là-bas des sirènes, / Et des démons y danseront. […] C’est encore là que résidera Lilith (לילית) », la démone, « et qu’elle se trouvera un lieu de repos. […] Et là-bas se reposeront les onocentaures (ὀνοκένταυροι, c’est-à-dire des ânes-centaures), car ils trouveront leur repos . […]  Et des démons (δαιμόνια) se rencontreront avec des onocentaures, et ils crieront l’un envers l’autre. »
  • L’association entre l’hybridité et le démoniaque n’a rien d’étonnant. Le démon (étymologiquement δαίομαι, « répartir ») divise, disperse, et en un sens recompose – à l’instar du monstre, historiquement envisagé avant tout comme un composite. Être intermédiaire, le démon fait communiquer les ordres et relie les mondes. La disparition des hommes, dans les ruines, ne produit pas un simple retour de la nature : c’est une nature tout autre qui fait irruption entre les décombres. Les ruines sont des lieux de mutation de la nature, où la main humaine continue de laisser des traces.

“[La ruine est] un espace qui n’appartient désormais plus à la culture, sans qu’il soit pour autant entièrement restitué à la nature, et qui est donc caractérisé par une forte marginalité et une dimension antisociale importante. Cette dimension est justement soulignée par les animaux qui occupent cet espace, qui ne sont pas les animaux ‘classiques’ de l’espace sauvage auxquels on pourrait s’attendre, tels que par exemple lions, ours et panthères, ou tout simplement des animaux des steppes (bien que ces derniers soient également présents). Il s’agit en revanche d’un mélange de créatures diverses, telles que boucs, canidés, plusieurs espèces de rapaces, ainsi que d’autres créatures parfois difficiles à identifier et pour lesquelles le dénominateur commun est à chercher ailleurs”

Anna Angelini, L’Imaginaire du démoniaque dans la Septante

  • Les ours polaires qui ont pris possession des villages arctiques abandonnés ont quelque chose de cette hybridité curieuse. Ce sont bien entendu toujours des ours ; mais déjà, en s’appropriant les anciens lieux de vie de l’homme, ils prennent quelques traits humains. Cette humanisation nous les rend en partie sympathiques (plus que des démons bibliques, en tout cas). Mais cette sympathie ne va pas sans une certaine inquiétude, celle de la confusion des genres – des genera, des souches, des lignées. Confusion que, en l’occurrence, l’homme a lui-même provoquée en repoussant toujours plus loin les frontières de son expansion planétaire, tout en privant les animaux de leurs milieux naturels… et les ours polaires de leur banquise.
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