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© Pascal Van de Vendel/Unsplash

Un classique éclaire le présent

“On ne va pas encore parler du Covid ?” Nietzsche et la rumination collective

Clara Degiovanni publié le 26 mai 2021 3 min

Tout le monde est d’accord pour parler d’autre chose, au moins une fois, pour célébrer la réouverture des terrasses… Et pourtant, le sujet revient inexorablement sur le tapis. C’est comme le vaccin, il nous faut notre dose. D’ailleurs, le vaccin parlons-en. Vaccinés ? Pas vaccinés ? Anti-Vax ?! Pass sanitaire cet été ? Et rebelote ! L’éternelle conversation – un peu toujours la même, en fait – repart de plus belle. 

D’où nous vient ce besoin irrépressible de ruminer, de ressasser inlassablement cette foutue épidémie, même quand on déjà tout dit, même quand on a surtout envie de changer de sujet ? 

Nietzsche, qui a écrit sur la rumination, nous éclaire. 

 

Ruminer pour se souvenir

Le COVID, on est hélas ! encore en train « d’en bouffer » tous les jours. Et pour que la pilule passe, on ressent le besoin de ressasser. Tant pis si au bout d’un an la pensée tourne à vide et les conversations en rond. La rumination est une manière d’assimiler les événements, de les comprendre et surtout de se les rappeler. Car, selon Nietzsche ,« il est impossible de vivre sans se souvenir » (Considérations inactuelles, II, 1874). La rumination, aussi douloureuse soit-elle, permet de préparer la mémoire future de cette période si particulière. 

 

Quand ça reste sur l’estomac 

Et 1 et 2 et 3… confinements. Ballonnements. Nausées. Certains événements restent parfois très longtemps sur l’estomac. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, ruminer n’accroît pas ce sentiment d’indigestion. Au contraire, ressasser a quelque chose de libérateur. Dans Ainsi parlait Zarathoustra (1883), Nietzsche exhorte chacun de nous à imiter les vaches, car celles-ci « ont inventé de ruminer et de se coucher au soleil. Aussi se gardent-elles de toutes les pensées lourdes qui gonflent le cœur ». Ruminer est une manière de dégonfler la pression et d’éviter l’indigestion. 

 

Vivre sans oubli ?

Mais celui qui ressasse n’est jamais rassasié. Il y a toujours quelque chose à répéter, à remettre sur le tapis. Pour éviter de tourner en boucle comme un vieux disque rayé, il faut aussi savoir oublier. Si Nietzsche pense qu’il est impossible de vivre sans se souvenir, il considère qu’« il est absolument impossible de vivre sans oublier. » (Considérations inactuelles). Cette pandémie, comme toute épreuve collective, doit pouvoir sortir de notre esprit, au moins ponctuellement. Car l’oubli est nécessaire au bonheur : le nôtre, mais aussi celui des autres. « Celui qui ne sait pas se reposer sur le seuil du moment pour oublier tout le passé, […] ne saura jamais ce que c'est que le bonheur, et, ce qui est pire encore, il ne fera jamais rien qui puisse rendre heureux les autres. » L’oubli est un eudémonisme : il nous permet d’être heureux. 

 

Se dissoudre dans l’événement

Rester en boucle sur un événement peut avoir des conséquences psychologiques désastreuses. Ruminer à l’excès et se souvenir sans cesse des épreuves provoquent une espèce de noyade. « Imaginez, écrit Nietzsche, l'exemple extrême : un homme qui ne posséderait pas du tout la faculté d’oublier […]. Un tel homme ne croirait plus à sa propre essence, ne croirait plus en lui-même ; tout s'écoulerait pour lui en points mouvants pour se perdre dans cette mer du devenir. » Celui qui ne parle (au hasard, bien sûr…) que de ce virus finit donc par perdre son identité, par se dissoudre dans l’événement de l’épidémie. Il n’est plus vraiment Pierre, Pauline ou Jacques. Il n’est plus que Covid-19. Pour reprendre pied, il faut savoir oublier. 

 

Un frein à l’action ?

L’excès de rumination empêche l’action, car, explique Nietzsche « toute action exige l'oubli ». Ainsi, l’humain condamné à ressasser éternellement « ressemblerait à celui qui serait forcé de se priver de sommeil, ou bien à l'animal qui devrait continuer à vivre en ne faisant que ruminer, et ruminer toujours à nouveau. » Face à cette épidémie, comme aux épreuves de la vie, il faut tenter de réfréner ce besoin de rumination permanente. Histoire de se rappeler que si la vie est vache… nous ne sommes pas des vaches.

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