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Paris, place de la République, avril 2016 © Victorine de Oliveira

Politique

Nuit Debout: la difficile construction du commun

Victorine de Oliveira publié le 18 avril 2016 4 min
Depuis le 31 mars 2016, les occupants de la place de la République, à Paris, rassemblés sous la bannière “Nuit Debout” tentent d’organiser une “convergence des luttes”. Une façon de construire du commun en marge de la pratique politique traditionnelle.

Ils sont étudiants, intermittents du spectacle, charpentiers dans la Marine, font du marketing ou réalisent des documentaires, ont grosso modo la trentaine. Pas toujours politisés, ils se disent plutôt de gauche, mais « pas celle au pouvoir ». Venus par curiosité, ils ont comme trouvé leur place dans cette agora à l’ombre sévère du monument à la République. L’une trouve enfin un prolongement à ces manifestations où « une fois rentré chez soi, rien n’avait changé », l’autre est « émue par ces prises de parole parfois maladroites, qui durent, mais qui construisent une démocratie inscrite dans un temps foutraque et libre ». L’un exprime une « envie que ça change », l’autre trouve enfin « du sens » dans un paysage politique où « les partis et le syndrome du militant qui répète un discours prémâché font peur ».

Depuis le 31 mars, journée de mobilisation contre le projet de réforme du Code du travail mené par la ministre du Travail Myriam El Khomri, ils se rassemblent place de la République, à Paris, pour passer la « Nuit Debout », c’est-à-dire à débattre, se rencontrer, se mobiliser en dehors des cadres traditionnels formés par syndicats et partis. Depuis, un calendrier poético-révolutionnaire prolonge la contestation – nous allons dépasser le 50 mars. Et les acteurs de Nuit Debout entendent étendre cet agenda au gouvernement de Manuel Valls, à François Hollande, à toute la classe politique et à une société en panne d’idées.

Si l’initiative en revient entre autres à François Ruffin, réalisateur du documentaire Merci patron et fondateur du journal Fakir, le mouvement ne se reconnaît pas de chef. Des personnalités y ont défilé, s’y sont exprimées, toutes à égalité avec le citoyen lambda. L’économiste pourfendeur du capitalisme et de l’euro Frédéric Lordon a la cote, lui qui invite à « la grève générale » et diagnostique qu’ « on ne tient pas longtemps une société avec BFMTV, de la flicaille et du Lexomil », quand le philosophe Alain Finkielkraut est viré sans ménagement. L’ex-ministre des Finances grec Yánis Varoufákis, symbole de la lutte anti-austérité, suscite des ovations, quand le président du Medef Pierre Gattaz est chahuté sur le plateau d’On n’est pas couché par des militants cachés dans le public.


Délibération publique

Si le mouvement intrigue, étonne, agace… médias de tous bords, hommes politiques, permanents de la « Nuit Debout » et simples passants curieux s’accordent sur un point : il se passe quelque chose. Mais quoi ? On pense au mouvement des Indignés, à Occupy Wall Street dont les « nuideboutistes » ont repris la gestuelle… L’absence de revendication politique précise oblige à reléguer les schémas d’analyse traditionnels au placard des luttes sous drapeau et banderoles connus. Certes, le retrait de la réforme du Code du travail est sur toutes les lèvres. S’y sont ajoutées des réflexions autour du revenu de base universel, des droits des animaux, du féminisme, du logement, de la protection des données numériques... Si ces militants n’ont pas encore de programme, ils tentent bel et bien de construire quelque chose que l’on pourrait appeler un commun.

D’abord, ils se réapproprient un espace public, celui de la place de la République transformée depuis les attentats de 2015 en lieu de recueillement et en mausolée. Cette occupation évoque lointainement le principe des « commons », ces prés, pâturages et forêts qui, dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, pouvaient être exploités par les paysans d’une communauté en accord avec le seigneur propriétaire. Des jardins sauvages poussent d'ailleurs sous les lourdes dalles de la place faisant crier certains au vandalisme, tandis que pour d’autres « planter un poireau peut être un acte politique ». L’occupation de la place est négociée avec la Mairie – stands, tentes et équipements sont évacués chaque matin par les forces de l’ordre –, mais la différence avec une privatisation, une enclosure de la place bien marquée. Le glaneur en repart la besace pleine de paroles et d’idées.

Cette élaboration du “commun” qui semble être à le point de mire de la Nuit Debout, le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christan Laval en ont fait le sujet d’un récent essai: Commun – Essai sur la révolution du XXIe siècle (La Découverte, 2014). Au singulier, le commun est un principe politique. S’inspirant d’Aristote, les deux auteurs en font la production « par la délibération et la législation, des mœurs semblables et des règles de vie s’appliquant à tous ceux qui poursuivent une même fin ». Les assemblées générales parfois interminables qui animent chaque soir la place de la République n’ont pas d’autre objet. Il s’agit de rappeler que la politique n’appartient pas nécessairement à « une minorité de professionnels », mais est bien « l’affaire de celui qui, quel que soit son statut ou son métier, désire ou souhaite prendre part à la délibération publique ». Cette participation collective, cette « co-activité » invite à penser le commun non comme objet figé, mais comme une dynamique perpétuelle : « le commun est donc ce principe qui fait rechercher cet objet qu’est le ‘’bien commun’’, tant il est vrai que, pour le viser et le rechercher vraiment, il faut déjà prendre part à une activité de délibération commune », précisent ainsi Pierre Dardot et Christian Laval.

La définition des communs au pluriel et leur institutionnalisation vient dans un second temps, dont la Nuit Debout n’a pas accouché. Une commission serait penchée sur la rédaction d’une nouvelle Constitution. Encore faudrait-il rallier durablement les banlieues, les zones rurales, d’autres villes en régions où des rassemblements du même type ont eu lieu. Car le commun exige de la transversalité… et du temps. Il manque à la foule chassée chaque matin au point du jour.

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