“Pourquoi désire-t-on ce qui nous fait du mal ?”
Question de Pauline Stiegler
Peut-être, chère Pauline, parce que ce qui nous fait du mal commence par nous faire du bien ? Au cœur de notre désir, sans même parfois en être conscient, nous manifestons alors une préférence pour le présent, notre satisfaction immédiate nous aveuglant et nous empêchant de prendre en compte la souffrance à venir. Un tel schéma est au cœur des comportements addictifs et vient faire mentir l’idée d’un être humain capable d’anticiper, de se projeter dans l’avenir et d’agir conformément à ses résolutions. Ainsi confrontés à notre désir, à cette manière dont il échappe à notre raison et parfois même au bon sens le plus élémentaire, nous nous posons en effet, comme vous, la question du pourquoi. Et au passage nous sommes bien placés pour saisir combien est erronée l’idée, pourtant souvent présentée comme indiscutable, selon laquelle les humains rechercheraient avant tout leur bonheur. Le mal que la satisfaction de ce désir finit par nous faire nous procure peut-être également une jouissance inconsciente : cela expliquerait alors que nous y retournions. C’est là une des grandes découvertes de Freud : il peut y avoir en même temps déplaisir conscient et jouissance inconsciente. Sans cette ouverture à notre complexité, et à notre ambivalence, nous ne pouvons pas comprendre ce qui se joue dans nos désirs.
Sans doute faut-il toutefois distinguer nos désirs de notre désir pour pouvoir envisager une réconciliation de notre désir et de notre « bien ». D’après Lacan, nous n’avons pas simplement des désirs : chacun de nous est habité par un désir plus important que les autres, qui est à la fois caché et indiqué par la multitude des autres désirs ; il est comme l’axe inconscient autour duquel s’organise notre vie psychique et relève d’une forme d’héritage, comme un destin que notre passé et celui de nos parents nous auraient collé dans la peau. Si nous accordons du crédit à cette hypothèse lacanienne, alors il existe un désir qui nous fait du bien, parce qu’il nous correspond, parce qu’il est, comme l’écrit Lacan, « notre affaire » et qu’en le satisfaisant, ou du moins en nous en approchant, nous sommes fidèles à nous-mêmes. À chacun, dans ce cas, de s’interroger, de se demander quel est son désir… Est-ce d’être un bon père ou une bonne mère ? D’avoir la vie la plus intense possible ? D’être quelqu’un de bien ? D’être un artiste ? Mais il n’est pas dit qu’à cette question – qui est peut-être le véritable objet de la psychanalyse – nous puissions trouver une réponse…
“La colère est-elle toujours mauvaise conseillère ?”
Question de Pauline Stiegler
Gardons-nous de critiquer la colère au nom d’un idéal de modération ou de tempérance : la colère a parfois du bon. Elle peut notamment venir indiquer un point limite, quelque chose de non négociable, et peut alors constituer le début d’une saine révolte. Devant certaines injustices ou humiliations, la colère peut être légitime. Comme le montre Camus dans L’Homme révolté, elle peut même dans certains cas ne pas concerner que moi : en indiquant ce que je juge inacceptable pour moi, je désigne alors ce qui me semble inacceptable pour tout homme. Reste que l’on ne sait pas exactement ce qu’elle nous conseille… Au vrai, elle relève plutôt du cri que du conseil bien argumenté. Mais peu importe, c’est ce cri qui est parfois légitime.
Confinements et couvre-feux à répétition, bars, clubs et cafés fermés, lieux culturels désertés, télétravail généralisé, « gestes barrières…
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