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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Éditions Les Belles Lettres

Le livre du jour

Vie et mort du sublime

Frédéric Manzini publié le 26 avril 2022 4 min

Comme des êtres vivants, les idées naissent, s’épanouissent et meurent. Pourquoi, par exemple, la notion de sublime a-t-elle émergé à une époque précise de l’histoire avant de s’effacer à l’époque contemporaine ? C’est cette histoire que retrace le philosophe italien Remo Bodei (1938-2019) dans Paysages sublimes. Les hommes face à la nature sauvage (Les Belles Lettres, 2022). Mêlant finesse, sensibilité et érudition, celui qui fut professeur de philosophie notamment à Pise et Los Angeles, déjà auteur de plusieurs ouvrages traduits en français comme La Sensation de déjà vu (Seuil, 2014), explique pourquoi le goût pour le sublime a été l’apanage des romantiques, et montre comment le sublime a migré « de la nature à l’histoire ».

 

  • Le sublime, une notion esthétique ? La notion de sublime est bien connue dans la philosophie esthétique, notamment à travers les écrits d’Edmund Burke (Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau, 1757) et d’Emmanuel Kant (Observations sur le sentiment du beau et du sublime, 1764). Bien que leurs analyses diffèrent sur certains points, les deux penseurs opposent le beau, qui plaît et qui rassure parce qu’il correspond à des canons clairement déterminés, au sublime, qui fascine et inquiète à la fois parce qu’il dépasse toute mesure. Un bâtiment classique aux dimensions équilibrées et bien proportionnées sera par exemple jugé beau, tandis qu’un paysage escarpé et dangereux en pleine montagne sera qualifié de sublime : celui-ci nous fait ressentir la grandeur du spectacle en même temps qu’il nous fait éprouver la fragilité de notre existence. Le sublime est donc un sentiment très caractéristique par son ambivalence, qui le voit mêler l’effroi à la délectation.
  • La révolution de l’héliocentrisme. Mais pourquoi, s’interroge Remo Bodei, a-t-il fallu attendre le début du XVIIe siècle pour que le sublime soit perçu comme tel ? Montagnes, océans, volcans, etc. : les lieux inhospitaliers existaient déjà aux siècles précédents, mais ils n’inspiraient pourtant rien d’autre que de la crainte et de l’hostilité. Certes, le philosophe antique nommé le Pseudo-Longin avait rédigé au Ier siècle un Traité du sublime, mais celui-ci ne concernait que la littérature et désignait alors la résonance qu’un texte peut créer entre un auteur et un lecteur (ou un auditeur) en éveillant un certain sentiment d’orgueil. Or, écrit Remo Bodei, « à la différence du sublime antique, le sublime moderne est substantiellement lié à la nature ». Que s’est-il passé ? C’est la révolution de l’héliocentrisme qui serait la cause de la modification de notre goût. En effet, selon le philosophe italien, le sublime moderne « représente, au moins à ses débuts, une des consolations visant à atténuer le choc des découvertes de Copernic et de Giordano Bruno qui détruisirent la prétention de l’homme à se considérer comme le protégé de la création, installé par Dieu lui-même au centre de la création ». Humilié et réduit à devoir contempler sa Terre « de l’extérieur, comme si elle était un lieu étranger et périphérique et non sa maison ancestrale », l’être humain porte sur la nature un regard qui en ressort profondément bouleversé, et son goût changé.
  • Une nature puissante qui porte l’empreinte du divin. Vaste, infinie et silencieuse, la nature des Modernes est-elle plus inquiétante que le monde clos des Anciens ? Oui assurément, mais la sensibilité moderne est plus complexe, dans la mesure où l’immensité de la nature devient l’expression même du divin. « De manière analogue à la théodicée – la justification de Dieu par la présence du mal –, le sublime constitue désormais une sorte de physiodicée, explique Remo Bodei, de justification de la nature, par la présence du repoussant, de l’horrible et du menaçant. Puisque Dieu, se dit-on, ne peut avoir créé rien moins que la perfection, ce qui apparaît de prime abord effrayant et repoussant contient au contraire en soi la mystérieuse empreinte du divin qui transcende et défie la raison. »
  • Le sublime a-t-il disparu ? Qu’en est-il de nos jours ? Bodei avance plusieurs raisons pour comprendre ce qui semble constituer l’effacement progressif de la notion de sublime à l’époque contemporaine. Il constate ainsi que « la nature en tant que telle n’inspire plus le même désarroi craintif que par le passé » car nous avons exploré toute la Terre et nous nous sommes accoutumés à la nouvelle représentation de l’Univers issue de la révolution copernicienne. D’une manière plus générale, le désenchantement du monde, la société de masse et le progrès technique nous empêchent d’éprouver la même sensibilité que celle qui a triomphé au XVIIIe siècle. C’est l’homme qui « est devenu, à ses propres yeux, sublime au carré », puisque c’est lui qui menace aujourd’hui les organismes vivants et surpasse par sa force une nature désormais vue « comme une Mater dolorosa, abîmée » et vulnérable dans le contexte de l’Anthropocène. À moins qu’il ne faille porter notre regard ailleurs, toujours plus loin, c’est-à-dire dans le cosmos : peut-être le sublime se cache-t-il désormais quelque part très loin de la Terre, dans l’Univers, vers l’infini (et au-delà).

 

Paysages sublimes. Les hommes face à la nature sauvage, de Remo Bodei, vient de paraître dans une traduction de J. Savereux aux Éditions Les Belles Lettres. 156 p., 21,90€ en édition physique, 15,99€ en format digital, disponible ici.

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